Des événements dramatiques ont secoué la ville de Bukavu et le Kivu et ont inquiété toute la population nationaliste quant à l’avenir de cette Transition placée sous le signe de l’Accord Global… Parcourons d’abord l’historique de la crise.
Le film des événements de Bukavu (1)
Début février une cache contenant 65 caisses de munitions a été découverte à Bukavu dans une maison du gouverneur Xavier Chiribanya.
Le 7 février, le gouvernement a instruit l’Etat Major Général de l’armée que toutes les mesures soient prises pour démanteler les caches d’armes sur tout le territoire national et que ceux qui gardent irrégulièrement des armes soient déférés en Justice.
Samedi 21 février 2004, vers 11 h 00, découverte d’une deuxième cache d’armes à Bukavu chez le major Jeef Kasongo au Quartier Nguba et chez son voisin le colonel John Bahati. Kasongo est arrêté pendant que Bahati a réussi à prendre fuite.
Craignant des tentatives pour « libérer » le major Kasongo, le général Nabyolwa décide de le transférer le dimanche 22 février par vol spécial à Kinshasa pour enquête. Nabyolwa répond ainsi aux instructions gouvernementales du 7 février.
A Kinshasa, Kasongo est accueilli et entendu par la Demiap.
Lundi 23 février 2004. Déclaration fracassante et insultante du RCD, présentée à Kinshasa par son secrétaire général, Francis Bedi.
Vers 20h00, le Colonel Mutebutsi, le commandant adjoint de la 10ème région militaire, organise l’évacuation de l’ex-gouverneur Ciribanya vers le Rwanda.
Entre 20h00 et 22h00, la Monuc évacue Tambwe Mwamba de l’hôtel Orchid où il est logé depuis son arrivée à Bukavu, ce matin à 14 h 00. On l’amène au kilomètre 14 de Bukavu pour le mettre en sécurité dans le camps de la Monuc. Les responsables de la Monuc savaient apparemment ce que le RCD tramait pour cette nuit-là…
Peu avant minuit, le 23 février, des hommes de Mutebutsi mènent une opération pour arrêter le général Nabyolwa et « venger » l’arrestation et le transfert de Kasongo.
Le général Nabyolwa téléphone à Sharou Sharif, le chef de la Monuc, pour demander d’être secouru. Mr Sharif prétexte qu’il ne peut venir à son secours parce que l’électricité est coupée et que lui-même n’est pas sûr de sa propre sécurité.
Nabyolwa parvient à sauter de la fenêtre du deuxième niveau de sa résidence et disparaît.
A 23 h 45, la résidence du général est mitraillée. Pendant plus de deux heures dans la nuit de lundi 23 et mardi 24 février des affrontements opposent les forces de Nabyolwa et celles de son adjoint, Mutebutsi. Deux gardes de corps du général et son chauffeur sont abattus. (2)
Le Commando assaillant est armé avec de fusils automatiques, de lance-roquettes et de Mag et il possède une arme lourde à deux roues qui a servi à défoncer les portes. Toute l’opération est coordonnée par walkie-talkie par Mutebutsi, secondé par un certain Mukalay.
La résidence du Général a été fouillée de fond en comble et les objets de valeur, les documents et deux valises satellitaires ont été emportées. Le gros du commando était composé de tireurs d’élite rwandais, qui sont rentrés chez eux vers 3 h 00 du matin.
Mardi 24 février 2004. Au cours de la matinée, toutes les chancelleries occidentales, relayées par leurs média, notamment RFI, rallient le point de vue du CIAT et du RCD, condamnant presque le pouvoir présidentiel de Kinshasa pour avoir transféré un détenteur illégal d’armes à Kinshasa. Personne des officiels occidentaux, ni la CIAT, ne se préoccupe du sort du général Nabyolwa, victime d’une tentative d’assassinat.
A la mi-journée, radio OKAPI transmet une interview de Mr. Sharou Sharif qui prend parti pour le RCD et condamne le général Nabyolwa d’avoir décidé seul du transfert de Kasongo sans s’en référer à la MONUC et en contradiction avec une décision du Conseil de Sécurité provinciale.
Le mercredi 25 février 2004, des militaires rwandais ont effectué des perquisitions systématiques dans des maisons ciblées ou suspectées, entre autres dans le couvent des sœurs de la congrégation de St Joseph de Turin, près de l’hôtel de poste de Bukavu. Ils cherchaient le général Nabyolwa. Ces perquisitions illégales ont été faites au vu et au su de la Monuc que la population tient pour complice du RCD et du Rwanda.
Après leurs forfaits, tous les soldats mutins ont disparu de la ville de Bukavu. Pour la population, c’est une preuve supplémentaire qu’il s’agit d’éléments venus du Rwanda qui sont rentrés chez eux pour ne pas se faire prendre sur le lieu du délit.
Toujours ce 25 février, à Kinshasa, le major Kasongo, a été embarqué sur un avion de la Monuc pour Bukavu. Les observateurs avertis savent que Kasongo est rentré à Bukavu après avoir dévoilé à la Demiap tous les secrets des caches d’armes constituées avec l’aide du Rwanda.
Le 3 mars, Kasongo, détenu à l’auditorat militaire de Bukavu, a été entendu par la mission de l’Etat-major général dirigée par le chef de l’état-major de l’armée de terre, Sylvain Mbuki. Mutebutsi a aussi été entendu. Les interrogatoires ont convaincu la mission qu’il y a eu acte délibéré de mutinerie. (3)
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L’armée de Kagame n’a jamais lâche le Kivu
Pendant toute la crise autour de Kasongo, il y a eu de nombreuses informations que des troupes venues du Rwanda sont intervenues à tous les moments décisifs. Contrairement aux déclarations faites, le territoire national n’est pas encore réunifié, l’autorité de l’Etat n’est pas rétablie partout : ainsi, la DGM dirigée par Pierre Yambuya n’a pas le moindre contrôle sur les frontières avec le Rwanda et avec l’Ouganda. L’armée rwandaise entre et sort du Grand Kivu comme bon lui semble.
On se rappelle qu’en janvier, Mountaga-Diallo, de la mission des Nations Unies, avait fait des déclarations fracassantes : « Il y a beaucoup de Rwandais dans l’armée nationale difficilement détectables». « En dépit des informations fiables obtenues des autorités locales (religieux, médecins, chefs de village) sur l’incorporation des soldats rwandais dans l’armée du RCD, les commandants de troupes ne nous ont pas facilité la tâche. Ils ont affirmé que ces hommes étaient des Congolais », a dit le Général à la radio « Top Congo. » (4)
Le Conseil de Sécurité avait déjà affirmé en 2002 que beaucoup de soldats du RCD sont des citoyens du pays de Kagame. Le Rapport sur les pillages, N° S/2002/1146 du 16 octobre 2002 disait déjà dans son Point 16 : « Sylvain Mbuki a réorganisé l’armée du RCD. Il a intégré de larges groupes de soldats rwandais dans l’Armée Nationale Congolaise (ANC) et dans les Local Defense Forces. La plupart des unités de l’ANC ont des officiers rwandais. Beaucoup de soldats hutus de l’armée rwandaise n’ont pas quitté le Congo. Ils ont reçu de nouvelles uniformes congolaises et ils ont été versés dans l’ANC ».
Le général Habyarimana, ancien ministre de la Défense de Kagame, Hutu, a pris la fuite le 29 mars 2003 et il a déclaré : « Tous les principaux cadres du RCD sont des Rwandais. Leurs véhicules et moyens logistiques viennent de Kigali. La Banque Mondiale donne des fonds pour démobiliser les Interahamwe, mais beaucoup de ces Hutus ont été versés par Kagame dans l’APR et envoyés au Congo. Les officiers que le RCD intégrera dans l’armée congolaise seront presque tous des Rwandais. »
Le troisième et dernier rapport de l’ONU a été publié le16 octobre 2003 et il porte le nom du président du Panel des Experts, l’ambassadeur Kassem Mahmoud.
Le Rapport affirme que la guerre d’agression et d’occupation par l’armée rwandaise continue de plus fort. Voici quelques extraits révélateurs de la partie censurée… mais que des forces de l’ONU opposées à la guerre, ont divulgués…
« 7. La stratégie rwandaise consiste à mettre de grandes parties de territoires à l’Est du Congo sous son influence et contrôle, spécialement dans les provinces du Nord et Sud Kivu. »
« 8. L’APR joue encore un rôle important mais très discret dans les opérations de l’Armée Nationale Congolaise (RCD), y compris dans ses structures de commandement et de contrôle. … Ceci est accompli à travers plusieurs officiers rwandais qui sont commandants des brigades et à travers l’officier de liaison qui assure la coordination avec l’APR. »
« 9. Dans l’Est de la RDC, les camps d’entraînements de l’APR restent actifs. L’APR est responsable pour la formation dans le domaine des Renseignements et dans les fonctions de commandement et contrôle. »(…)
« 13. La milice de Serufuli est utilisée comme un instrument pour faciliter la déstabilisation et de blocage effectif de la réunification. »
Le point 14 cite une lettre datée du 30 juin 2003 de Serufuli, adressée à James Kabarehe : « Je soutien votre excellente idée d’assurer la sécurité et la bonne cohabitation inter-ethnique dans notre province du Nord-Kivu par le déploiement de vos éléments à travers toute la province et l’imposition de notre politique dans le territoire de Lubero et de Beni. »
Signalons en passant que le point 57 dit : « La direction du MLC a reçu à Kinshasa des livraisons clandestines d’armes par bateau à partir de Brazzaville début août 2003, renforçant son propre arsenal. »
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Le RCD garde toujours son armée privée, son armée rebelle
La tentative d’assassinat du général Nabyolwa a mis à jour l’existence d’un réseau d’officiers prêts à aller jusqu’au bout de la « rébellion-agression » et qui sont déterminés à lancer une troisième guerre.
Parmi ces hommes se trouvaient Laurent Nkunda, accusé de massacres à Kisangani, Georges Mirindi, Bora et Kasongo, tous les trois condamnés à mort pour l’assassinat de Laurent Désiré Kabila et Mutebutsi, l’adjoint de Nabyolwa.
Un conseil de Sécurité, réuni le lundi 23 février autour du gouverneur a.i. Mazambi du Sud Kivu a adopté une résolution demandant la comparution de Xavier Chiribanya Chirimwami, le gouverneur suspendu, considéré comme l’organisateur du réseau de caches d’armes de guerre à travers la province. Chirabanya a bénéficié de la complicité de Lukompa, responsable provincial des services de sécurité et de Alphonse Chirimwami, ancien maire de Bukavu. Ces deux complices ont été suspendus.
La presse a également fait état de l’existence d’une dizaine de dépôts clandestins d’armes à Goma et dans le Nord-Kivu. Mentionnons aussi que des armes sont parvenues du Rwanda, non seulement au Kivu, mais aussi au Nord Katanga.
Et pour être impartial et accorder à Bemba ce qui revient à Bemba : à Gbadolite, des observateurs militaires onusiens ont été empêchés d’inspecter le contenu de plusieurs avions, qui amenaient vraisemblablement des armes. (5)
Le 24 février, le parti politique RCD a fait une conférence de presse pour protester contre « l’enlèvement de Bukavu du major Joseph Kasongo ». Or, c’est le commandant de la 10e Région militaire, le général Nabyolwa, qui a jugé que la constitution de caches d’armes par Kasongo constituait une affaire grave qui devait être traité par la hiérarchie nationale. Sur quelle base légale le parti RCD peut-il s’ingérer dans une affaire d’infraction qui concerne la hiérarchie militaire ?
C’est une preuve éclatante que RCD veut continuer à gérer « ses officiers et soldats » comme du temps de la rébellion-agression. C’est le rejet d’une clause essentielle de l’Accord global. Le lundi 1 mars, au nom du Comité International d’Accompagnement de la Transition, Swing est allé dire au président Kabila la préoccupation du Comité International d’Accompagnement de la Transition : « Les forces armées ne sont pas encore intégrées. La RDC continue à disposer de quatre ou cinq micro-armées qui continuent à évoluer selon la logique des anciennes forces belligérantes. » (6)
Dans la bouche de Swing, c’est pratiquement une critique directe à l’adresse du RCD… et de Kagame.
En effet, les événements de février à Bukavu prouvent que le RCD se comporte comme s’il possédait toujours « son propre armée » qui n’est pas subordonné à la hiérarchie militaire nationale.
Quel officier de l’armée régulière peut se permettre d’ériger des caches d’armes dans des parcelles privées à l’insu de la hiérarchie ?
Nulle part, ni à Kinshasa, ni à Mbuji Mayi, ni à Lubumbashi, le commandant de la région militaire peut permettre qu’un de ses subordonnés organise des caches d’armes secrètes. Pour quelle raison bizarre, le vice-président chargé des matières de défense et de sécurité, jugerait-il le major Kasongo autrement que comme un individu coupable d’insubordination qui menace gravement la sécurité nationale ?
Pourquoi un officier coupable à Kinshasa ou Mbuji Mayi sera-t-il arrêté, jugé et condamné, alors qu’un Kasongo pourra commettre le même crime à Bukavu, sans que la hiérarchie militaire puisse le condamner ?
Pourquoi peut-on arrêter des officiers fautifs de toutes les anciennes parties belligérantes, sauf ceux qui appartiennent au RCD ?
A Beni, le général Vita Kitambala des Maï-Maï, coupable des tracasseries envers la population, a été placé en détention.
Le général Mustafa, issu du MLC, commandant de la 1ère Région militaire de Bandundu, a été arrêté et transféré vers la capitale.
Un officier des renseignements issu de la composante ex-Gouvernement est toujours en jugement pour extorsion.
Pour justifier son comportement inacceptable, le RCD a invoqué sa conception du fédéralisme. En effet, le colonel Mutebutsi, commandant adjoint de la 10ème Région militaire, a estimé que le général Nabyolwa a outrepassé ses prérogatives en refusant de traduire le major Kasongo devant le conseil de guerre provincial avant d’envisager son transfert vers la capitale. Or, dans toute armée, la hiérarchie supérieure a toujours le droit de prendre en charge une affaire qu’elle juge toucher la sécurité nationale. C’était le cas de la constitution de nombreuses caches d’armes au Kivu, entre autres par Kasongo.
Puis, l’affaire Kasongo a quelque peu obscurci l’affaire Mutebutsi tout aussi grave. Le Commandant adjoint de la 10e région militaire a recouru aux armes et a même fait intervenir des armes lourdes, dans une tentative d’éliminer son supérieur, le général Nabyolwa. On s’attendrait à ce que le vice-président chargé de l’armée et de la sécurité soit parmi les premiers à exiger l’arrestation et le jugement du coupable et la condamnation exemplaire d’un tel crime…
Officiellement, le Congo n’a plus qu’une seule armée intégrée qui a incorporé toutes les milices. Bemba a fait le même parcours que Ruberwa dans la rébellion-agression du 2 août 1998. Mais il est obligé de dire aujourd’hui que « notre mouvement avait plus de 20.000 hommes, que nous avons mis à la disposition de l’armée nationale. Nous ne pouvons plus récupérer ces hommes versés au sein de l’armée nationale ». Les événements de Bukavu démontrent que le RCD est décidé à garder le contrôle sur « ses » chefs militaires et sur « ses » troupes. Il est toujours dans la logique de l’agression-rébellion. Pour Kagame, le véritable problème se pose ainsi : lorsque le RCD n’aura plus la main sur « son » armée, Kagame ne pourra plus envoyer l’armée rwandaise au Kivu en la faisant passer pour des troupes du RCD…
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La Déclaration de la Troisième guerre par les extrémistes du RCD
Elle s’appelle officiellement « Déclaration politique du RCD et alliés relative à l’enlèvement de Bukavu du major Joseph Kasongo faite à Kinshasa, le 24 février 2004 ». En réalité, cette déclaration développe un programme pour la troisième guerre que Kagame prépare…
Elle exprime la stratégie de Kigali pour se maintenir militairement au Kivu et pour faire échouer la Transition en RCD. Il est d’ailleurs possible que la tendance Ruberwa ait des contradictions avec ces jusqu’au-boutistes.
Soulignons d’abord une escroquerie significative : le secrétaire général du RCD, Francis Bedi, a lu ce 24 février à 15h00 cette déclaration qui dit : « Le RCD et alliés exigent la libération immédiate et sans conditions du Major Kasongo ». Or, ceux qui ont présenté cette déclaration à la presse, savait que Kasongo avait déjà été libéré le matin à 10h00. Le but de cette escroquerie ? Présenter Joseph Kabila comme un Président faible qui cède devant les menaces du RCD…
Le texte de RCD commence par dire que Kasongo a été faussement accusé d’avoir organisé des caches d’armes… pour ensuite reconnaître qu’il avait, en effet, illégalement des masses d’armes en sa possession…
Le RCD dit d’abord ceci : « le major Kasongo a été « arrêté, il y a trois jours, pour un motif fallacieux de détention des armes de guerre et prétendument condamné à mort dans l’affaire de l’assassinat du Président Laurent Désiré Kabila par la tristement célèbre Cour d’Ordre Militaire. »
Un peu plus loin, le texte fait l’aveu que Kasongo avait des dépôts clandestins d’armes… « Le Major Kasongo est signataire d’une lettre collective datée du 15 février et adressée au Président Joseph Kabila par laquelle un groupe de militaires de l’ex-ANC s’engageaient à restituer les armes en leur possession au Commandant de la 10e Région Militaire ! »
La Présidence, occupé par Joseph Kabila, est une institution de la République. Les vice-présidents ne sont pas une institution de la République, selon la Constitution adoptée à Pretoria. Mais le RCD tente de paralyser Joseph Kabila en tant que Président et Commandant suprême de l’armée en l’obligeant de consulter à tout propos les quatre Vice’s. Ainsi le RCD déclare : « Le Chef de l’Etat Joseph Kabila a agi de manière dictatoriale, sans avoir au préalable, consulté ni informé les 4 vice-présidents, le Gouvernement, et sans être muni d’aucun acte judiciaire. »
Joseph Kabila, en tant que Président et Commandant suprême de l’armée, a non seulement le droit, mais même le devoir de convoquer à Kinshasa un officier dont les agissements menacent la sécurité nationale et l’intégrité territoriale. Mais pour avoir simplement convoqué pour interrogatoire un officier qui a commis une infraction extrêmement grave, le président s’entend dire par le RCD cette extravagance : « Le comportement du Chef de l’Etat Joseph Kabila frise, en quelque sorte, le terrorisme d’Etat digne d’un «Etat-voyou » ou de dictature noire et sanguinaire. »
Utiliser ces mots sanglants pour une affaire après tout assez banale et dans laquelle le président a le bon droit de son côté, exprime simplement la haine viscérale des hommes de Kagame pour Joseph Kabila. La même haine qu’ils ont nourrie pour Mzee Kabila…
Puis la Déclaration du RCD continue : « Le nouveau scandale signé Président Joseph Kabila n’est pas de nature à conduire la transition vers les élections générales dans la sérénité et la non- conflictualité exigées. » Ceci exprime clairement la volonté des RCD de tout faire pour empêcher que le Congo puisse tenir les élections à la date prévues, tout en imputant ce non-lieu aux « scandales » commis par Joseph Kabila…
En effet, le RCD affirme à propos de l’affaire Kasongo que « ce scandale s’inscrit dans une série d’autres ». Et de citer comme « scandales », d’abord « l’exclusion de Monsieur Etienne Tshisekedi de la Vice-Présidence de la République. »
Où est le scandale, lorsque Tshisekedi n’a simplement pas eu une majorité dans la composante Opposition politique? Le scandale serait justement d’imposer un Tshisekedi à la vice-présidence, simplement parce que ce monsieur agit depuis quelques années comme un des plus fidèles hommes de main de Kagame !
Autre « scandale » retenu contre Joseph Kabila : « le refus de nommer les officiers régulièrement désignés par une composante, en l’occurrence le RCD ». Et de citer entre autres les généraux Bora et Laurent Nkunda et le colonel Georges Mirindi. Or, Bora et Mirindi ont été condamnés à mort pour l’assassinat de Mzee Kabila et Nkunda aura tôt ou tard à répondre devant la justice des crimes qu’il a commis contre la population nationaliste de Kisangani.
Le quatrième « scandale » imputé à Joseph Kabila : « consultation unilatérale et cavalière de la Cour Suprême de Justice ». Mais en cas de divergences d’interprétation de la constitution, quel autre organe pourrait trancher, sinon la Cour Suprême de Justice ? Joseph Kabila a pris la voie qui serait suivie dans tout état de droit. Où est le scandale ?
Cinquième « scandale » : « l’éviction du gouverneur du Sud-Kivu, Monsieur Xavier Chiribanya Chirimwami ». Or, ce monsieur a été pris « la main dans le sac » : on a trouvé 65 caisses de munitions dans sa résidence ! Et il apparaît comme l’organisateur principal de toute la chaîne de dépôts d’armes clandestins constitués en préparation pour la « troisième guerre »… Pour ces faits, cet individu serait coffré dans n’importe quel pays au monde.
Dans un langage qui rappelle les plus violentes tirades du RCD et MLC contre Mzee Laurent Désiré Kabila, la Déclaration dit : « Le Général Major Joseph Kabila se croit tout permis. Ce qui lui reste, c’est son intronisation comme Empereur de la République Démocratique du Congo. Le RCD et alliés ne peuvent en aucun cas, cautionner le retour à la dictature. »
Malgré toutes les concessions souvent humiliantes que Joseph Kabila a faites, il reste, aux yeux des agents de Kagame, un empereur et un dictateur…
« Si les revendications du RCD et alliés ne sont pas prises en compte, ils réserveront le droit d’utiliser tous les moyens à leur disposition pour que le Major Joseph Kasongo soit libéré et pour mettre fin à la dictature naissante dans notre pays. »
Les agents de Kagame passent allègrement de la « libération » du pauvre Kasongo, à la lutte armée pour renverser Joseph Kabila ! C’est une évidence : « utiliser tous les moyens pour mettre fin à la dictature naissante de Joseph Kabila », c’est exactement ce que les agents du Rwanda, de l’Ouganda et des Etats-Unis ont tenté de faire en s’engageant dans l’agression-rébellion du 2 août 1998 contre la « dictature » de Laurent Kabila ! Voilà pourquoi la Déclaration du RCD du 24 février 2004 est effectivement une Déclaration pour la troisième guerre.
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Le « Mémo » des séparatistes rwandophones du Kivu
Une semaine avant la « Déclaration » de la troisième guerre du RCD, le Soft a publié un « Mémo des Congolais rwandophones à qui de droit « , un manifeste des forces séparatistes et pro-Kagame du Kivu. Ce « Mémo » est signé par Félicien Nzitatira et François Gachaha qui prétendent être les représentants de la communauté congolaise rwandophone du Nord Kivu.
Le texte vient manifestement de l’entourage de Serufuli.
Il y a quelques années, Kagame a commencé à entraîner au Rwanda des Hutu congolais et rwandais qui étaient placés sous la direction de Serufili. Ces « milices d’autodéfense » comptent, selon les estimations, entre 7.000 et 20.000 hommes. Cette armée avait été levée par Kagame en dehors du RCD et même, selon certains, à l’insu de Ruberwa.
Le « Mémo » affirme que « Serufuli s’est illustré dans la pacification et la cohabitation interethnique ». La tactique est claire : faire passer toutes les forces de Kagame au Kivu pour des démocrates et des hommes de paix qui œuvrent pour la cohabitation et la pacification du Kivu… L’affaire Nabyolwa-Kasongo vient nous rappeler que cette « cohabitation pacifique » ne s’étend pas aux patriotes et nationalistes congolais…
Le « Mémo » est très bien conçu et on y voit la finesse politique des services de renseignements de Kagame. Un lecteur attentif y trouve toutes les astuces politiques et idéologiques dont Kagame a fait usage pour faire accepter par les puissances occidentales le bien-fondé et la nécessité de la dictature de la grande bourgeoisie tutsi au Rwanda…
Le titre officiel donne déjà matière à réflexion : « Processus de réunification de la RDC : aucune chance d’aboutir sans la reconnaissance de tous les Congolais à l’égalité des droits ».
Le piège est bien conçu : sous le label « reconnaissance des rwandophones congolais » Kagame veut également faire « reconnaître » comme Congolais des dizaines de milliers de Rwandais et d’agents de l’expansionnisme kagamiste.
Le « Mémo » avance quatre revendications qui servent à préparer le terrain au séparatisme et à la mainmise du Rwanda sur le Kivu.
La première revendication : « la mise à l’écart des faucons de l’entourage de Kabila ». Dans la liste des faucons, on trouve des hommes qui ont des orientations politiques très différentes, mais qui s’opposent tous à la domination du Rwanda kagamiste sur le Congo. Le « Mémo » mentionne Yerodia, puis Samba Kaputo, Kudura Kasongo, Yagi Sitolo, Katumba et Kikaya. Le document insiste sur Yerodia, devenu « célèbre, en 1998, en traitant les Tutsi de Vermine à éradiquer». C’est un mensonge hideux que Kagame et Bizima ont utilisé contre la résistance populaire à Kinshasa. Ce fameux mercredi 26 août 1998, Yerodia a dit, à juste titre, qu’il faut : « permettre aux FAC de mener à bien l’éradication et l’écrasement total de cette vermine des envahisseurs rwandais et ougandais ».
Deuxième exigence : « Le Président doit faire fonctionner l’espace présidentiel sur base de prises de décisions consensuelles entre les composantes du Dialogue inter-congolais». Selon la Constitution, les cinq institutions de la République sont : le Président, le gouvernement, l’assemblée national, le sénat, les cours et tribunaux. (Article 63). La Présidence, qui regroupe le Président et les quatre vice-présidents, n’est pas mentionnée parmi les institutions de la République. C’est essentiellement un organe de « concertation ». (Article 82) Seul le Président « est le garant de l’indépendance, de l’intégrité du territoire national et de la souveraineté nationale ». (Article 68). Le « Mémo » des séparatistes prône une sorte de coup d’état qui enlèvera au président Kabila ses prérogatives constitutionnelles pour les transférer à une « espace présidentielle où les décisions sont prises par consensus ». En clair : les forces rwandaises et pro-rwandaises veulent paralyser le Président pour avoir les mains libres au Kivu. Les affaires Kasongo et Mutebutsi viennent de montrer ce qu’ils ont en tête…
Troisième revendication : « une forte décentralisation territoriale, prélude au processus fédéraliste ». Il faut «la répartition des ressources et des compétences entre le Gouvernement et les Entités Décentralisées». Le RCD veut une décentralisation et une fédéralisation qui donnent un maximum de ressources et de compétences aux provinces : il s’agit de créer les conditions optimales pour faire avancer la cause du séparatisme ou du contrôle effectif du Rwanda sur le Kivu.
Dernière exigence : une «gestion sage des nominations aux postes de Gouverneurs de Province et de Responsables de la sécurité nationale, mais aussi du déploiement des officiers supérieurs et des unités ». (7) En clair, Serufuli doit garder le contrôle sur le Nord Kivu ; ensuite, des Rwandais se faisant passer pour Congolais et des Congolais au service de Kagame doivent avoir des fonctions importantes dans les services de sécurité et dans l’armée, et finalement les officiers supérieurs rwandophones et les unités rwandophones doivent être déployées au Kivu…
Il vaut la peine de souligner que le « Mémo » falsifie à la manière de Kagame la révolution populaire du 17 mai 1997. Le texte dit : « Laurent Désiré Kabila (a été) installé au fauteuil de Mobutu grâce au soutien militaire de l’APR et des rwandophones congolais. »
Ceci est révélateur des positions chauvines des Rwandais kagamistes et des rwandophones congolais au service de Kagame. Le facteur décisif dans la victoire du 17 mai a été le soutien des masses populaires congolaises qui en avaient ras-le-bol de la dictature mobutiste. Ensuite, à partir de février-mars 1997, ce sont des troupes angolaises, et non rwandaises, qui ont fait le gros du travail.
Mais ce que nous retenons surtout, c’est la justification intégrale de la guerre d’agression rwando-ougandaise du 2 août 1998 par les séparatistes pro-Kagame.
Le « Mémo » dit : « Août 1998 : Laurent Désiré Kabila lance une campagne haineuse et génocidaire contre ses amis d’hier – génocide des Congolais rwandophones. La suite est aussi connue: riposte énergique du RCD et campagne militaire pour faire barrage au dictateur et autocrate naissant. » Il n’y a pas eu d’agression et d’occupation, il y a eu un génocide des rwandophones et une riposte militaire justifiée contre la dictature de Laurent Désiré Kabila.
C’est ainsi que les agents de Kagame continuent imperturbablement de falsifier l’histoire. Ceux qui, après 4.000.000 de morts, continuent à justifier la guerre d’agression du 2 août 1998 en évoquant la « dictature » de Laurent Kabila, seront prêts à marcher pour la troisième guerre dès qu’ils ont attribué le qualificatif « dictateur » à Joseph Kabila…
Le séparatisme rwandophone au Kivu n’est qu’un instrument de Kagame et des forces américaines qui le soutiennent à fond. Des Congolais « autochtones », comme Kin-Kiey Mulumba, sont partisans de cette politique américaine qui redessine la carte économique de l’Afrique. Cette politique consiste essentiellement à balayer les frontières par une politique de libéralisme économique. En fin de compte, Kagame compte s’imposer au Kivu par la force économique, plus que par la force militaire. Il s’appuiera sur les grandes fortunes que lui et la grande bourgeoisie tutsi de Kigali ont entassées par le pillage du Congo. Il s’appuiera aussi sur les capitaux américains qui s’allient à lui parce qu’il a la force militaire pour garantir leurs intérêts dans la Région des Grands Lacs.
Kin-Kiey Mulumba se fait le porte-parole des capitaux américains et rwandais qui veulent « faire éclater les frontières » pour que « le monde devienne un vaste marché pour quiconque sait vendre et sait acheter »…Voici comment ce digne mobutiste-kagamiste s’est exprimé le 26 février…
« A Bukavu, le gouverneur RCD Chiribanya Chirimwami est brutalement limogé par le gouvernement dont l’ex-mouvement rebelle étatisé est partie prenante sans qu’il ne cherche à broncher. La crise qui couvait depuis juin 2003, a atteint sa phase terminale. Hutu et Tutsi, tous Banyarwanda, tous frères et sœurs, ennemis jurés hier jusqu’à s’entre-tuer massivement, ont enterré machettes et lances, et fait chorus. Ensemble, ils vont défendre leurs terres, en premier, leur gouverneur hutu Eugène Serufuli Ngayabaseka. La question n’est plus l’entrée en ébullition, la question est de savoir quand. À l’heure où les frontières éclatent, où le monde devient vaste marché pour quiconque sait vendre et sait acheter, il n’y a que dans l’ex-Zaïre où, faute de leadership, l’habitant n’a rien compris. Le Kivu lui veut vivre, se produire et se reproduire. Il se tente et se laisse tenter par une culture moderne, loin des incuries et qui marche. Qui lui en fera le reproche ? » (8)
Kin-Kiey Mulumba, comme Tshisekedi et Katebe Katoto, est parmi les politiciens qui jouent à fond la carte des Américains et de leur libéralisme outrancier qui fait sauter les frontières. Kagame possède une armée puissante qui s’insère délibérément dans la stratégie politico-militaire des EU pour la domination du continent. Son armée est très présente au Kivu où elle se fait passer comme faisant partie des rwandophones congolais… Cette présence politico-militaire au Kivu, jointe à une pénétration économique, permettra à l’alliance Etats-Unis-Rwanda kagamiste de dominer le Kivu sans l’annexer formellement.
C’est à cette lumière qu’on peut interpréter les dires de Kin-Kiey Mulumba. « Paul Kagame éprouve des nouveaux besoins : il veut reconstruire son pays; il veut tisser des nouveaux liens dans le monde basés sur la compétitivité et la bonne gouvernance; il veut tourner le dos à la guerre et être vraiment ce nouvel homme que son pays et la région attendent. (Récemment,) il a fait fermer la frontière entre Bukavu et Cyangungu. Là aussi un même message adressé aux Congolais: ‘Si vous vous battez, c’est bien entre vous. Les Rwandais n’ont rien à y faire’. »
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Pour le nationalisme révolutionnaire, contre le piège de l’ethnicisme
Kagame est un spécialiste de la guerre politique et psychologique. Il est extrêmement habille pour présenter et défendre sa politique basée sur le militarisme, l’ethnicisme et l’exclusion comme une politique démocratique, de large union nationale et inclusive… Il sait envelopper sa politique de guerre et de terreur dans les belles paroles pacifiques qui plaisent aux Américains.
Les hommes de Serufuli ont été à l’école de la guerre psychologique et politique de Kagame et ils ont appris leur leçon.
Ainsi, le « Mémo » séparatiste prône au Congo une politique qui exclut les authentiques nationalistes comme Yerodia, tout en demandant à Joseph Kabila de « sanctionner tout discours exclusif » Là où Yerodia faisait des discours patriotiques de résistance à l’agression, le « Mémo » demande de « sanctionner ce discours raciste » !
Selon les termes de la Constitution, le président Joseph Kabila doit garantir « l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire national et la souveraineté nationale ». (Article 68) Or, la milice de Serufuli, formée par Kagame et opérant sous ses ordres, constitue une menace pour l’intégrité territoriale.
Le « Mémo » critique Joseph Kabila parce que, après le jugement de la Cour Suprême de Justice, il s’estime « compétent pour procéder discrétionnairement à toutes les nominations ». Et le « Mémo » de préciser : « Dans sa ligne de mire, le Gouverneur du Nord-Kivu, objet de diabolisation permanente dans les milieux des extrémistes anti-rwandophones. » Ainsi, défendre l’intégrité territoriale devient dans le langage des hommes de Kagame : diaboliser Serufuli et suivre des extrémistes anti-rwandophones.
Or, les patriotes qui combattent les milices de Serufuli, ne le font pas par « extrémisme anti-rwandophone », mais par opposition à la politique de guerre et d’occupation pratiquée par Kagame avec l’aide de ses agents congolais, dont Serufuli.
Le Congo, qui compte plus de 400 ethnies et qui a une vocation panafricaine au centre du continent, ne peut pas se laisser emporter par des idéologies ethnicistes.
Ainsi, le camarade Laurent Désiré Kabila, lorsqu’il dirigeait en 1964-65 le maquis de Fizi – Baraka, travaillait en coopération étroite avec des combattants rwandais dirigés par le grand révolutionnaire et anti-impérialiste Mudandi.
Au moment le plus chaud de l’agression rwandaise d’août 1998, Mzee Kabila veillait à ce qu’on ne tombe pas dans l’ethnicisme anti-Tutsi. Il dit alors : « Il n’y a pas d’insurrection des Banyamulenge. L’insurrection est un alibi des Tutsi rwandais. Notre pays a été la victime d’une agression du Rwanda ». « Tout Rwandais n’est pas ennemi. Et on ne peut pas continuellement utiliser les Tutsi du Congo comme des boucs émissaires d’une agression et d’une illusion d’expansionnisme ».
Kakudji allait dans le même sens le 19 août 98 : « La croisade que les Banyamulenge ont menée lors de la guerre de libération contre Mobutu – et ils avaient raison – était la question de leur nationalité. Quand le régime de Mzee Kabila est arrivé au pouvoir, il a proclamé haut et fort que les Banyamulenge étaient des Congolais comme tous les autres Congolais. » (9)
Depuis la première phase de la « mondialisation », celle qui a exporté les esclaves africains dans les Amériques, presque tous les pays du monde contiennent des populations « venues d’ailleurs ».
Depuis 1914, la Belgique possédait une espace coloniale composée du Congo et du Rwanda-Urundi. Tous ces territoires dépendaient d’un Gouverneur général établi à Kinshasa et d’un ministère des Colonies à Bruxelles. Cette espace coloniale belge était donc dirigée par une seule main et régi par une seule politique.
Lors d’une réunion du Conseil du Kivu, le 5 août 1956, des fonctionnaires belges ont parfaitement résumé la situation de fait, telle qu’elle a été créée par le développement historique : les territoires congolais et rwandais sont gérés comme un ensemble et les travailleurs rwandais immigrés sont pratiquement considérés comme des Congolais. Monsieur de Bève dit : « Les Banyarwanda ne sont pas des étrangers et doivent être considérés comme se trouvant sous statut belge. Ils font partie de la grande communauté Belgo-Congolaise ». Monsieur Castelein le soutint : « Actuellement, et dans certains domaines seulement, on les considère encore comme des étrangers, mais rien ne dit que, dans l’avenir, il en sera ainsi ». (10)
C’est la même thèse qui fut adoptée à la Table Ronde de 1960 : les travailleurs immigrés d’origine rwandaise, résidant au Congo depuis plus de dix ans, sont à peu prêt considérés comme Congolais. Ils ont le droit de participer à l’élection des représentants du peuple. Ils peuvent être élus aux niveaux du territoire, de la commune, de la ville et de la province, mais pas, en théorie, au niveau national.(10) Néanmoins, Marcel Bisukiro, un Congolais rwandophone hutu, sera même ministre du Commerce Extérieur du gouvernement Lumumba!
Avant le 30 juin 1960, les ressortissants rwandophones du Congo ne possédaient pas la nationalité rwandaise, tout comme l’ensemble des populations du Congo ne possédait pas la nationalité congolaise… Avant l’indépendance du Congo et du Ruanda-Urundi, aucun ressortissant de ces territoires n’avait une nationalité propre, congolaise ou rwandaise. Officiellement, ils étaient tous membres de leurs ethnies respectives et avaient la seule nationalité belge, tout en n’étant pas considérés comme citoyens belges !
A l’accession du Congo à la souveraineté internationale, le 30 juin 1960, tous ses habitants, y compris les rwandophones, ont reçu la nationalité congolaise.
Toutes les lois sont l’œuvre des hommes et elles doivent refléter les réalités sociales en constante évolution. On ne peut pas sortir des stipulations datant de 1885-1908 pour régir la vie des habitants du Congo en 2004.
Il est donc logique que la Constitution de la Transition dit dans son article 14 : «Tous les groupes ethniques et nationalités dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement République Démocratique du Congo) à l’indépendance, doivent bénéficier de l’égalité des droits et de la protection aux termes de la loi en tant que citoyens».
Pour ce qui concerne les personnes qui se sont établies au Congo après le 30 juin, « une loi organique fixera les conditions d’acquisition … de la nationalité congolaise ».
Remettre en question ces stipulations de la Constitution de la Transition risquerait de plonger le Congo et spécialement le Kivu dans un nouveau cycle de tueries sur base ethniciste. Ce qui donnera de nouveaux prétextes « humanitaires » à Kagame pour renvoyer massivement ses soldats au Congo et placer à nouveau ces territoires congolais sous occupation et tutelle rwandaises.
S’il y a des Congolais qui collaborent avec Kagame et qui l’aident dans ses intrigues politiques et ses opérations militaires, ils doivent être considérés comme des traîtres, peu importe qu’ils soient rwandophones ou luba, kongo ou originaires du Bandundu… Au Kivu, les nationalistes issus des ethnies autochtones, ont tout intérêt à soutenir les rwandophones patriotiques qui s’opposent au régime expansionniste de Kagame. Ils ont tout intérêt à les encourager à convaincre les autres Congolais rwandophones de rallier le camp des patriotes congolais et de soutenir au Rwanda le camp des démocrates rwandais, Hutu et Tutsi confondus, qui veulent la fin de la dictature kagamiste. Mzee a dit ces paroles prophétiques : « Notre pays s’est donné pour vocation d’exporter la paix, la sécurité et le développement » (11) L’entente entre les Congolais « autochtones » de 1885 et les Congolais issus de l’immigration rwandaise, permettra justement d’exporter la paix et la sécurité… au Rwanda, où il faut mettre fin au cycle infernal des massacres de Tutsi par l’élite hutu et des massacres de Hutu par l’élite tutsi…
Le 11 août 2003, à Bruxelles, j’ai fait une longue interview avec Müller Ruhimbika, Tutsi congolais bien connu et premier responsable des Forces Républicaines et Fédéralistes. Il exprime avec constance, depuis le début de l’agression, les points de vue du nationalisme congolais. Comme le fait Ruhimbika, tous les nationalistes doivent s’efforcer à gagner à la cause patriotique les Congolais rwandophones pour réduire au maximum le nombre de traîtres dans leurs rangs et isoler Kagame et ses hommes de main.
Ruhimbika a fait en août 2003 des déclarations pertinentes qui ont été confirmées par l’évolution politique. Les voici.
« Kagame a ses hommes à la tête du Congo, et en même temps il garde son potentiel militaire intact au Congo. Ses militaires restent à l’œuvre à l’Est de notre pays. Alors, la question se pose : le RCD mouvement politique, peut-il réellement gérer sa « milice » pour qu’elle intègre l’armée nationale ? Ces militaires doivent quitter l’état de milice, pour être gérés par la Nation. Rappelons que près de 40 % des officiers du RCD sont à la fois des militaires de l’ANC (RCD) et des militaires officiellement reconnus de l’Armée Patriotique Rwandaise.
Je pense que le RCD va mettre sur la table autant que possible de questions qui ne peuvent trouver de réponse. Cela pour empêcher que nous ayons une Transition normale. Ainsi, ils vont faire barrage à la reconstruction, ils vont empêcher le démarrage. Ils espèrent que finalement, les Congolais vont se résigner, ils ne vont plus rien attendre de ce gouvernement. Ceci peut créer une situation propice à l’implosion du Congo. Kagame a une stratégie du chaos au Congo. Est-ce que le Congo a la capacité économique et politique de faire fonctionner une machine avec 56 ministres et plus de 500 parlementaires ? Est-ce que notre pays a la capacité d’intégrer les nombreux groupes armés ? Comment pourrons-nous éviter d’avoir des groupes de bandits à la solde d’autres pays ?
Je crois que Kagame mise sur le pourrissement de la situation politique et économique. Il veut une situation chaotique, empêcher que l’autorité de l’état se fasse sentir sur le terrain. Kagame peut, dans le même but, ranimer des conflits ethniques au Kivu, faire une politique divisionniste et ethniste, comme on le voit déjà en Ituri. »
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L’Europe et les Etats-Unis face au Congo et au Président Kabila
Pour défendre ses propres intérêts, l’Europe est plutôt favorable à Joseph Kabila et s’oppose à ceux qui le combattent et cherchent sa chute.
Aldo Ajello, le représentant spécial de l’Union européenne pour la région des Grands Lacs a été reçu en audience par le président du Sénat, Mgr Marini Bodho, le mercredi 25 février 2004, au Palais du Peuple. Aldo Ajello a déploré le retard pris par le processus de la transition et a accusé ceux qu’il qualifie de «forces négatives qui essaient de bloquer la transition ». Il a continué : «Elles ont essayé par le passé de faire capoter le processus. Elles ont échoué. Et maintenant qu’elles sont toutes à Kinshasa, puisqu’elles n’ont pas réussi à en assumer la responsabilité hier, elles font tout aujourd’hui pour faire porter le chapeau de cet échec à d’autres personnes. On a découvert ce petit jeu. Ce n’est pas un jeu qui va réussir. Le processus est devenu irréversible. Ceux qui veulent le bloquer, qu’ils arrêtent » (12)
« Cette crise, je vais vous le dire sincèrement, je ne l’ai pas du tout appréciée. Mais elle nous a appris beaucoup de choses dans le sens du maintien d’un climat de paix. Je crois que désormais il faut que les politiciens fassent preuve du sens de responsabilité. L’on se doit de tenir un langage responsable envers le chef de l’Etat, envers les vice-présidents. Il faut à l’avenir qu’on évite de tenir des propos qui risquent de bloquer le processus », a déclaré Aldo Ajello. (13)
Quant aux Américains, ils ont placé le Congo sous haute surveillance. Ils ont un ambassadeur qui réside dans son bunker à la Gombe, et ils ont un deuxième ambassadeur de choc qui fait fonction de chef de la Monuc… Dans un article virulent, le journal Le Communicateur a dénoncé « l’activisme suspect du patron de Monuc en RDC. Lui que l’on voit tantôt à Lingwala, tantôt à Ndjili, Masina ou Lemba, dans une telle discrétion qu’il faut être rôdé pour le démasquer. Or, curieusement, Swing reprend les mêmes parcours et les mêmes contacts, qui, à un rien près, rappellent ceux qu’il avait pris deux mois avant la brutale disparition de Mzee le 16 janvier 2001. » (14)
Nous prenons simplement note de ces informations intriguantes et attendons la suite…
Récemment les Américains (certains simplifient en disant : Swing) ont fait une proposition étrange qui revient à mettre toute la Constitution de la Transition en cause. Ils ont lancé l’idée de la nomination d’un « Coordinateur du gouvernement » qui sera en réalité un Premier ministre qui ne dit pas son nom. C’est un changement fondamental, qui priverait le président Joseph Kabila d’une de ses prérogatives essentielles : la direction du gouvernement. La proposition est étrange : si le Président est accablé par trop de travail, c’est à lui qu’il reviendrait de nommer éventuellement un Premier ministre de son choix qui exécutera sa politique…
Mais certains fractions du pouvoir américain ont autre chose en tête : limiter les pouvoirs de Joseph Kabila et le marginaliser.
En effet, certains observateurs estiment que le voyage raté de Kengo wa Dondo à Kinshasa avait pour but de sonder les différents milieux politiques quant à sa candidature comme futur Premier ministre… Il semble être toujours le préféré de Washington… Après son pitoyable échec à Kinshasa, les Américains ont sondé d’autres anciens Premiers ministres du temps de Mobutu…
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Joseph Kabila rassure le Kivu martyrisé
Le Président Joseph Kabila a renvoyé à Bukavu le major Joseph Kasongo, condamné à mort pour l’assassinat de Mzee Kabila et coupable d’avoir organisé des caches clandestines d’armes de guerre. certains patriotes kivutiens ont été choqués et parlaient même de capitulation et de trahison. On les comprend, puisqu’ils subissent la terreur rwandais depuis plus de cinq années…
Mais la politique ne se fait pas uniquement avec des sentiments, il faut aussi évaluer les rapports de force réels et les différentes contraintes. Personne ne peut croire que le Président a libéré de gaieté de cœur un des assassins de son père. On sait que le Président a pris sa décision après un entretien avec Swing. Cet homme pèse lourd au Congo : il a les finances et les armées américains derrière son dos… Si Swing estimait que la libération du criminel Kasongo était important pour la « bonne entente » avec le RCD, il fallait plier le genou.
Parce qu’en toute situation, il faut garder en vue l’essentiel : aujourd’hui, c’est indiscutablement le déroulement sans heurts de la Transition et la tenue d’élections libres en 2005… Il fallait plier le genou… mais est-ce que Swing avait raison ? Non. Pour la simple raison qu’aux Etats-Unis personne ne peut constituer des caches clandestines d’armes de guerre, sans se faire arrêter et condamner à de lourdes peines. Non, pour la simple raison qu’aux Etats-Unis aucun adjoint d’un officier supérieur ne peut s’aventurer à attenter à la vie de son chef, tuer ses gardes de corps et ravager sa résidence. Et ce n’est pas Swing qui dira le contraire…
Le 26 février, le Président Joseph Kabila a adressé un message au peuple congolais. Nos amis à Bukavu avaient pensé découvrir des hésitations, voire des trahisons dans l’attitude du président. Mais dans ce message, ils ont pu constater que le Président est ferme sur l’essentiel. Et c’est l’essentiel qui détermine l’avenir. Voici ce qu’a dit Joseph Kabila.
« Le 7 février 2004, l’état-major général de l’armée avait été instruit de prendre des mesures pour que la population soit sécurisée ». Récemment, à Bukavu, « les ennemis de la paix et autres ont posé des actes de nature à troubler le déroulement normal de la transition ». « Le Président de la République met en garde tous ceux qui, pour des motifs inavoués, veulent faire échec au processus de paix devant nous conduire à l’organisation des élections libres, démocratiques et transparentes ». « Tous ceux qui sont ligués de prés ou de loin aux événements de ces dernières 72 heures seront poursuivis et sanctionnés conformément aux lois de la République ». « Le Président invite la population a une vigilance active afin de préserver les acquis de la paix »
Six jours plus tard, le 3 mars, lors d’une interview accordée à Radio Okapi, le Président Joseph Kabila a tiré des conclusions de la crise grave provoquée par les agissements de Kasongo, de Mutebutsi et du RCD.
“Le problème, c’est la discipline. La discipline n’a pas été observée. Ceux qui sont coupables doivent payer. Les politiques qui interfèrent dans l’armée, un jour, auront des bras coupés. Nous tous, nous sommes d’accord de respecter la Constitution et elle est claire à ce sujet. … Je sais que la population est inquiète. Je dis que la même population qui a pu résister à l’occupation, peut encore résister et surtout qu’elle ne doit pas baisser les bras face aux Rwandais. Elle doit avoir de l’endurance digne de résistance. … Je ne peux ni confirmer ni infirmer la présence des troupes rwandaises en RDC. Je peux dire seulement que lorsque les troupes rwandaises étaient présentes, la résistance était telle qu’elles ont quitté notre territoire. Et si les troupes rwandaises sont là, la résistance devra les faire partir comme il y a quelque temps. …
La population doit aussi savoir que la paix commence à venir et tout est fait pour que la paix revienne. Des mesures seront prises pour empêcher qu’un aventurier puisse se réveiller un matin et poser des actes contraires à la discipline militaire. La population doit se sentir sécurisée et nous sommes là pour elle. … La sécurité est sans nul doute la tâche du gouvernement mais la population doit aussi collaborer. … Nous allons commencer le travail de la réunification de l’armée et nous allons désarmer tous ces jeunes gens qui circulent partout avec des armes pendant qu’ils sont censés ne pas en détenir. Après la démobilisation, j’ai l’espoir que la sécurité reviendra graduellement. La population doit être vigilante.” (15)