Introduction et synthèse
Après l’indépendance formelle, 40 années de néocolonialisme ont enrichi les multinationales et la grande bourgeoisie bureaucratique et compradore mobutiste. Ces décennies de néocolonialisme ont aussi complètement ravagé et détruit le pays et clochardisé sa population.
Après cette période de 40 années de déstruction, la majorité des barons mobutistes ont collaborés depuis le 2 août 1998 avec les forces de l’agression qui a créee une situation encore plus pénible pour le peuple congolais.
Les criminels au pouvoir sous le mobutisme triomphant tentent aujourd’hui de peindre une belle image du mobutisme. Les chiffres nous prouvent le contraire : alors que le Zaïre mobutiste se trouvait dans un rapport de forces avantageux au niveau international, les criminels qui ont fait le mobutisme ont ruiné le pays !
Or, aujourd’hui les Kengo, N’Gbanda, Tambwe Mwamba, Kinkeyi Mulumba et autres grands cadres de la dictature mobutistes ont pris l’habitude de se présenter comme des grands experts. Des hommes qui ont la sagesse et l’expérience des affaires d’Etat.
Mais leur l’arrogance et le mépris avec laquelle ils parlent de Mzee Laurent D ésiré Kabila et du Président Joseph Kabila, sont fortement déplacées.Avant de dresser un bilan complèt nous citons quelques chiffres signifiantes qui démontrent comment toutes ces personnages lugubres ont collaboré à la destruction complète de l’économie et des infrastructures de notre pays.
La période de 1965 – 1975
Lors de son second coup d’Etat, le 24 novembre 1965, a concentré tout le pouvoir dans ses mains comme un Léopold II du vingtième siècle. Il a pris le pouvoir dans une période où les rapports des forces évoluaient favorablement au Tiers Monde, grâce aux luttes anti-impérialistes et populaires qui déferlaient du Vietnam jusqu’aux pays arabes et en Amérique latine. Les pays du Tiers Monde producteurs de matières premières se sont coalisés pour arracher des prix plus élévés.
Les revenus du Congo mobutiste augmentaient considérablement.
Mobutu s’est lancé dans des projets de « développement » gigantesques et peu réfléchis qui avaient l’avantage qu’ils permettaient de beaucoup détourner…
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Entre 1965 et 75, Mobutu a dépensé 1,5 milliards de FF pour la sidérurgie de Maluku qui n’a jamais démarré réellement. Mais elle a permi de détourner beaucoup de fonds…
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Inga I a coûté 1,3 milliards de FF, Inga II avait déjà coûté 4 milliards de FF en 1983 et à la même date la ligne Inga-Shaba avait demandé 7 milliards de FF…
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La Banque Mondiale écrit en 1982 : « Entre 1972 et 74, le Zaïre a contracté de lourds emprunts extérieurs à des conditions peu favorables et pour des projets d’un intérêt douteux ». C’est dire que l’intérêt réel, pour les mobutistes, était la possibilité de détourner de grosses sommes…
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Le mobutisme a été une catastrophe pour le Congo, mais une aubaine pour la grande bourgeoisie compradore qui a volé à pleines mains. C’est ce que doit avouer même la Banque Mondiale ! Elle écrit : « Bien que le Zaïre était au cours des années 70 un des pays les plus stables politiquement en Afrique, l’impact combiné de facteurs internes et externes fut telle que la performance de son économie se rapproche de celle de pays qui ont été sévèrement affectés par des conflits civils et-ou par une instabilité aiguë ». En clair : « l’unité et l’ordre » mobutistes ont eu les mêmes conséquences ravageuses qu’une instabilité grave et une guerre civile…
La période de 1975 – les années 80
- Ainsi, entre 1974 et 1982, la production manufacturière chutait de 100 à 63 !
- L’activité de l’ONATRA tombait de 100 à 61,9, celle des Chemins de fer de 100 à 56,1.
- Alors que la population explosait, la production agricole a baisé de 10 % entre 1972 et 1980.
- Le salaire réel dans l’administration a chuté de l’index 100 en 1975 à…. 20,8 en 1982 ! ! !
- Entre 1975 et 1988, la valeur réelle du Zaïre, exprimée en dollars a chuté de 1 à moins de 0,003.
La période de 1990 -1996
La Transition soi-disante « démocratique » a surtout été marquée par des destructions économiques jamais vues.
- La première année de la Transition a connu une chute de la production industrielle de 40 % et une inflation de 1.000 %. (KABILA,p.68-69; Echo de la Bourse, 25 avril 1991)
- Le nombre de salariés a chuté de 1.600.000 en 1990 à 950.000 en 1996.
- Loka Ne Kongo écrit :« Les fonctionnaires de l’Etat … reçoivent un salaire de misère qui, du reste, demeure impayé des dizaines de mois durant. Le professeur d’université touche par mois 10 dollars US. »
La marche victorieuse de Kabila n’aurait pas été possible, si les masses n’avaient pas fait l’expérience de la traîtrise de Tshisekedi et de la CNS. Dans la souffrance, la population a fait l’expérience de la complicité de classe entre toutes les composantes de la bourgeoisie compradore et bureaucratique pour maintenir leur position dominante dans la société.
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a) La situation : comme si la guerre civile avait fait rage pendant plus de trente ans
Les témoignages alarmants sur la destruction d’une nation et la dégradation physique et morale de tout un peuple sous le mobutisme triomphant, ne manquent pas. Mais on pourrait leur objecter un ton trop subjectif. Car «L’absence de données fiables reste un sérieux problème au Zaïre » (1), écrivait la Banque Mondiale. Les autorités zaïroises avaient donc perdu le goût des statistiques à tel point qu’il était devenu impossible de les guérir de cette maladie dangereuse.
Quant aux informations données par des sources internationales, les chiffres peuvent changer d’une source à l’autre, mais ils indiquent tous, invariablement, une situation qui va de mal en pis d’année en année. Les sources les plus fiables sont celles que monopolisent le FMI et la Banque mondiale «for official use only». Nous recourons donc à la lecture des rapports arides de la Banque mondiale pour dresser un tableau de la misère du peuple zaïrois sous Mobutu et sa clique.
Introduisons donc le tableau de la misère d’une nation, par une réflexion qui était assurément faite «for officiai use only». Dans un langage ésotérique, il est dit que le pays où régnaient l’authenticité et Mobutu, grand pacificateur et unificateur, se trouvait dans une situation tellement désastreuse qu’on jurerait qu’une guerre atroce y a fait rage pendant plus de trente ans : «Bien que le Zaïre était au cours des années 70, un des pays les plus stables politiquement en Afrique, l’impact combiné de facteurs internes et externes fut tel que la performance de son économie se rapproche de celle de pays qui ont été sévèrement affectés par des conflits civils et/ou par une instabilité politique aiguë. » (2), nous révèle la Banque Mondiale.
b ) Néo-colonialisme et accentuation du sous-développement (1965-1990)
Les fanfaronnades de Mobutu et ses acolytes sur le nationalisme africain et l’authenticité triomphante n’étaient qu’une mystification. Elles servaient à caché l’essence de leur régime au peuple : le néocolonialisme. Mobutu a encore renforcé l’économie de pillage que la colonisation avait imposée au Congo. Une économie extravertie dans laquelle le secteur minier dominait de façon: il fournissait 85% des recettes en devises et 25% des recettes fiscales sous Mobutu. Ses points forts étaient le cuivre, le cobalt et le diamant. Et les partenaires économiques du Zaïre étaient la Belgique, la France, l’Allemagne, l’Angleterre, les Etats-Unis, l’Italie, le Pays-Bas et le Japon.
Dans son rapport sur les violations des droits de l’homme au Zaïre en 1980, l’Amnesty International nous dévoile ce que l’authenticité cachait en réalité : «La politique de l’authenticité du président s’est traduite essentiellement dans le domaine économique, par la zaïrianisation, c’est-à-dire la reprise par les Zaïrois des sociétés appartenant à des étrangers. Les activités d’exportation du pays restent néanmoins dominées par des sociétés filiales de compagnies belges ou occidentales, qui sont encore la plupart sous contrôle étranger. » Or l’économie zaïroise comme celle de toute l’Afrique est dominée par l’exportation des matières premières.
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b.1.Production minière
Depuis 1975, on note «une baisse de la production et de la productivité et une décapitalisation croissante de toutes les sociétés minières» (4). La dépendance de quelques matières premières, loin de diminuer, s’accentuait gravement. Le régime de Mobutu a parasité la Gécamines, hypothéquant encore plus lourdement l’avenir du pays. Lorsque le prix du cuivre a connu une hausse en 1987-1989, la Gécamines ne pu en tirer que peu de profit, à cause de ses installations vétustés et du délabrement du système de transport. A moyen terme, les revenus de l’Etat provenant du cuivre, connaîtront une forte baisse.(5)
b.2. Production manufacturière
En 1982, la production du secteur manufacturier se chiffrait à 63 % de ce qu’elle était en 1974. L’industrie de consommation ne livrait plus que 60,3% de sa production de 1974 ; la fabrication de machines et d’équipements était tombée à 69,4 % (6). Le secteur manufacturier employait 160.000personnesen 1982, soit 22 % de l’emploi du secteur moderne. Il ne réalisait que 5 % du Produit Intérieur Brut en 1985, un pourcentage qui est un des plus faibles en Afrique subsaharienne. Deux tiers de l’emploi de ce secteur étaient concentrés à Kinshasa et à Lubumbashi. (7)
b.3. Transports
Les transports de passagers (nombre de personnes et kilomètres parcourus) ont aussi connu une chute entre 1975 et 1982 : l’ONATRA ne sauve que 61,9 % de ses activités, les chemins de fer (SNCZ) 56,1 %. Seul le transport pour les couches aisées se développe : Air Zaïre atteint l’index 118,3. (8)
La Banque mondiale écrit en 86: «Depuis plus d’une décennie, l’infrastructure des transports se détériore faute de fonds suffisants pour assurer l’entretien et les investissements voulus» (9). Et le Commissaire d’Etat au Plan, Sambwa Pida Nbagui, parlait le 21 mai 1987 de «l’état de dégradation alarmant» constaté à la Société Nationale des Chemins de Fer du Zaïre, à l’Office National des Transports (ONATRA) et à,l’Office des Routes. (10)
b.4. Industrialisation.
La formation de capital constant est restée toujours très faible, ce qui montre que le pays n’arrivait pas du tout à s’industrialiser. L’investissement brut en capital constant déclinait de 32,1 % du Produit Intérieur Brut en 1972, jusqu’à 21,6 % en 1982 (11). La Banque mondiale ajoute encore que ces chiffres «doivent être utilisés et interprétés avec prudence». Selon une dernière étude de la Banque (1989), l’investissement brut a varié entre 10,9 et 13,9 % du Produit Intérieur Brut au cours de la période 1983- 1989.(12)
L’équipement importé augmente légèrement, en prix constants, entre 72 et 82 : de 241,7 millions de zaïres à 283,8 millions. Mais l’équipement produit au Zaïre n’atteint que 5 % de ce montant : 13,0 millions en 72 et 11,7 millions en 82. (13) La capacité d’auto-industrialisation était donc pratiquement nulle. Le FMI affirmait que sa politique de libéralisme sauvage sauverait le Zaïre. Or, l’investissement privé qui était à un niveau ridiculement bas depuis de longues années, chute encore de 7 % du PIB en 1988-1989 à 4 % en 1990.(14) L’investissement direct étranger est tombé à zéro pour toute la période 1988-1990. (15)
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b.5. Agriculture
Les discours démagogiques sur «la priorité à l’agriculture» n’arrivaient pas à cacher la dégradation continue de la situation dans les campagnes (75% de la population). «Au cours de la période 1972-1980, la production agricole a baissé d’environ 10%» (16). L’agriculture ne recevait que 4,2% du budget d’investissement et 2,3 % du budget ordinaire en 1983 (17). Sur un budget d’investissement de 460.842 millions de zaïres pour 1988, 17.937 millions seulement étaient alloués à l’agriculture; dans le budget des dépenses courantes qui est de 152.777 millions de zaïres, 490 sont attribué à l’agriculture, à comparer avec les 553 destinés à la… JMPR ! (18) On appelait ça cyniquement :« agriculture : priorité des priorités » !
Chaque nouveau plan de la Banque mondiale et du FMI promet une revalorisation de l’agriculture, mais le bilan de 1987n’estque la répétition de tous les précédents. «En 1986, les dépenses du budget d’investissement (pour les projets de l’agriculture et des secteurs sociaux) ne furent que de 1 milliard de zaïres, comparé aux 3,2 milliards du budget de départ» (19). D’après les prévisions des experts du FMI, la libéralisation des prix et la diminution des droits d’importation devraient sauver les paysans. Or en 1985, la moitié des paysans ne savaient pas que le système des prix fixes imposés avait pris fin depuis deux ans : les commerçants empochaient tous les bénéfices de la hausse des prix. Et la progression de l’importation de viande (de l’Afrique du Sud !) «a contraint un grand nombre de petits producteurs à cesser leurs activités» (20).
b.6. Autarcie
Dans le Produit National Brut, la consommation privée traditionnelle comptait pour 10,2 % en 1972 ; dix ans plus tard, elle atteignait 26 % du PNB. Sur la même période, la consommation privée, qui passait par les canaux commerciaux, diminuait de 46,0 % à 32,7 % du PNB. (21)
b.7. Emploi
En juillet 1984, le Zaïre comptait 29,7 millions d’habitants avec un accroissement naturel annuel de 3,2 %. La population urbaine qui se développe à un rythme de 7,5 % par an, atteignait 40 % du total. 46 % de la population a moins de 15 ans. (22) «La force de travail urbaine est estimée à environ 4 millions, dont 1 million seulement sont occupés dans le secteur formel. Entre 1970 et 1983, le nombre de travailleurs enregistrés s’est accru d’environ 800.000 jusqu’à 1 million ; l’augmentation se situant uniquement dans le secteur public. Le secteur privé a noté une légère diminution. La plus grande partie de la force de travail dépend d’emplois dans le secteur informel urbain.» (23)
Le plan du FMI de 1983 a conduit à des licenciements massifs dans le secteur public, qui perdait, en une année, 10 % de ses salariés (441.121 en 1982 et 400.000 à la mi-1984). (24) En 1988-1989, le nombre de fonctionnaires adiminuéànouveaude40.000, dont beaucoup d’enseignants.
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b.8. Qualification
D’après la Banque mondiale, seuls 35 % des enseignants des écoles primaires et 40% de ceux des écoles professionnelles et techniques, sont qualifiés. Et de proposer des programmes de formation ! (25) Après l’école, l’enseignant doit chercher de quoi se nourrir : comment pourrait-il passer son temps en recyclage ! L’enseignement continue à se dégrader. «Le recul qualitatif et quantitatif de l’éducation pèsera lourdement sur la croissance de l’économie», doit reconnaître la Banque mondiale en 1989.(26)
b.9. Salaire
Le salaire réel dans l’administration a chuté de l’index 100, en 1975, à l’index 20,8, en 1982. Le salaire légal minimal, quant à lui, a évolué, en termes réels, de 100 à 9,6, sur la même période. Dans le secteur privé, le salaire réel de 1982 atteint 42,8 % de son niveau de 1975. (27) En avril 1984, le salaire d’un agent auxiliaire, deuxième classe, dans l’administration publique, était de 280 zaïres. Un secrétaire général de l’administration touchait officiellement 12.000 zaïres. Le coût moyen d’un technicien étranger était, en juin 1984, de… 208.672 zaïres (5.957,9 dollars) ! (28)
La Banque mondiale : «L’INS estime que le budget moyen qu’ une famille de 6 personnes doit consacrer à la nourriture au début de 1984, monte à 3037zaïres, tandis que le salaire mensuel de base d’un fonctionnaire de l’échelon intermédiaire est de 750 zaïres.» (29) C’est-à-dire que, quand un fonctionnaire de l’échelon intermédiaire travaillait pour un mois, il ne recevait que le salaire pour nourrir sa famille pendant une semaine. «Les « solutions personnelles » pour compenser le pouvoir d’achat déclinant, comprennent le vol, la corruption, la spéculation, la falsification de documents et des activités parallèles. »(30) Pour amener un travailleur dans son entreprise, l’employeur doit en général lui payer les frais de transport, de nourriture et parfois de logement : le salaire monétaire ne représente que 40 % de la rémunération totale. (31)
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b.10. Santé et Education
De 1976 à 1982, le gouvernement dépensait pour la santé en moyenne… 3 zaïres par personne. (32) Un plan quinquennal pour la santé, 1982-1986, prévoyait la création de 140 zones de santé rurales, mais le budget de 1984 réservait 10 zaïres par personne au lieu des 70 zaïres nécessaires pour financer le programme des zones de santé ! (33) «Au Zaïre, le service des eaux est parmi les moins développés du monde. 5 % seulement des populations rurales ont une possibilité raisonnable d’accéder à des sources permanentes d’eau potable.» (32)
La malnutrition est devenue un problème grave, le kwashiorkor se développe, des maladies pratiquement disparues depuis de longues années, reprennent de l’extension. D’après une étude de la Banque mondiale, la malnutrition par carence protéique, aggravée par le manque d’eau potable, l’absence d’un système d’élimination des eaux usées et l’érosion du sol, se répand rapidement au Kivu, à Kinshasa et dans le Bas-Zaïre. (34) La malnutrition touche 20 à 40 % des enfants. Les maladies intestinales, surtout parasitaires, affectent 80 % de la population. «La situation sanitaire du Zaïre apparaît beaucoup plus précaire que dans les pays à faible revenu en général» (35). Malgré tous les avertissements dans tous les rapports de la Banque, la santé des travailleurs zaïrois se dégrade d’année en année. La Banque écrit en 1989 : «La dégradation en matière de santé publique menace la productivité de la population ; la situation déjà critique risque d’être aggravée par l’incidence du sida. Certains groupes travailleurs perdant leur emploi, femmes et enfants des milieux défavorisés — ne peuvent faire face à leurs besoins sociaux immédiats. » (36)
La Banque mondiale constate une détérioration continue de l’infrastructure médicale, «l’exode continu du personnel médical quittant l’intérieur du pays, un épuisement critique de médicaments et de fournitures médicales (…) ; les services médicaux (hôpitaux, cliniques et dispensaires) ont soit dû être fermés, soit n’ont pas pu opérer pleinement». L’agence qui distribue les produits pharmaceutiques estime qu’elle ne peut satisfaire que 10 à 40 pourcent des besoins… et que 20 % de ses livraisons « disparaissent » par suite de vol ou de casse. (37)
Depuis 1982, la situation n’a cessé de se dégrader. L’éducation et la santé ensemble recevaient moins de 5 % du Programme d’Investissements Publics de 1979-981 et 1981-1983 et moins de 4 % de celui de 1983-85 (38). Mais même ces projets ne furent pas tous réalisés. Faisant le bilan en 1986, la Banque mondiale écrira : «Dans d’autres secteurs, en particulier ceux de la santé et de l’éducation, de nombreux projets du PIP n’ont pas bénéficié d’un financement suffisant du fait des coupes sombres effectuées dans le budget d’investissement» (39). En 1982, cinquante pourcent des écoles primaires disposaient de bâtiments inadéquats ; 80 % des élèves devaient s’asseoir par terre. Le manque de fournitures scolaires (livres, tableaux) fut déjà jugé critique. (40) Un jeune enseignant du primaire ou du secondaire gagnait entre 142 et 436 zaïres. (41) Les enseignants s’absentent souvent pour trouver de quoi nourrir leur famille ou exigent que les élèves leur apportent un peu d’argent.
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b.11. Inflation
Le zaïre-monnaie continue sa chute libre depuis 1978. Du Ier novembre 78 au 12 septembre 83, une érosion graduelle diminuait la valeur du zaïre de 96,5 %. Le 12 septembre 83 : coup de buttoir d’une dévaluation de 77,5 %. De septembre 83 à avril 87 : nouvelle érosion lente de 75 %. Sur l’ensemble de cette période, la valeur du zaïre a été entamée d’environ 99,3 pourcent.
1975 1 zaïre = 2,000 dollars
1978 1 zaïre = 1,190 dollar
24 août 1979 1 zaïre = 0,490 dollar
19 juin 1981 1 zaïre = 0,170 dollar
12 sept. 1983 1 zaïre = 0,040 dollar
11 mars 1985 1 zaïre = 0,021 dollar
24 avril 1987 1 zaïre = 0,010 dollar
1 février 1988 1 zaïre = 0,0074 dollar
22 avril 1988 zaïre = 0,0056 dollar
Sur toute l’année 1988, le taux d’inflation était de 94 %. Et si fin 1983, on déboursait 31,5 zaïres pour un DTS, fin 1988, il en fallait 368 et il en faut 634, fin 1989.(42)
Par tous ces chiffres, la Banque mondiale doit avouer que chaque année, des dizaines de milliers d’enfants, d’hommes et de femmes meurent bêtement au Zaïre. Et ici, il n’est pas question de droits de l’homme. Ici, on parle de «la nécessité des sacrifices», du respect des principes sacrés du marché libre et du libéralisme économique…
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c) La cause : la domination étrangère par l’intermédiaire de la bourgeoisie mobutiste corrompue
Les rapports et les mémorandums du FMI et de la Banque mondiale, consacrés au Zaïre, contiennent assez de chiffres et de données pour qu’on ne puisse pas se tromper sur les vrais responsables de la désertification économique et sociale du pays : la haute finance internationale et la bourgeoisie compradore locale. Mais derrière les «déséquilibres», les «contraintes internationales» et les «faiblesses de gestion», le FMI et la Banque mondiale n’indiquent jamais des forces sociales responsables de l’étranglement de tout un peuple.
La domination du Zaïre par le grand capital international est la cause fondamentale de la crise sans précédent que connaît le pays, crise qui s’approfondit à coups de «plans de sauvetage». Le contrôle étranger se manifeste dans le véritable protectorat sur le Zaïre, instauré par le FMI et la Banque mondiale, agissant pour le compte de huit pays industrialisés (Belgique, USA, France, Allemagne, Italie, Angleterre, Japon, Canada). De 1978 à 1983, on a organisé trois conférences ad hoc à Bruxelles, cinq réunions du Club de Paris et quatre réunions du groupe consultatif de la Banque mondiale pour le Zaïre. (78)
De 1984 à 1987, la Banque mondiale a réalisé 16 études sur des sujets aussi vastes que les investissements publics, les entreprises parastatales, le marché du crédit, le secteur agricole, l’industrie minière, l’industrie de transformation, etc. (43)
Les documents du FMI et de la Banque mondiale ne cachent guère le fait que l’élaboration de la politique économique et financière du Zaïre était devenue, en grande partie, leur domaine. Ainsi, on pouvait lire en 1982: «Avec le concours de la communauté internationale (organisations internationales comprises), des progrès considérables ont déjà été accomplis en ce qui concerne la définition des mesures de politique générale nécessaires pour assurer la relance et le Zaïre a déjà annoncé un certain nombre de décisions appropriées. » (44)
En 1986, la Banque mondiale réclame la création d’«un organe permanent de coordination entre le Zaïre et ses partenaires internationaux» ; se réunissant chaque trimestre, il devra «recommander les ajustements jugés nécessaires par les participants.» (45) Ainsi la crainte de Patrice Lumumba de voir le Congo tomber sous une tutelle internationale s’est pleinement réalisée. Aussi Sambwa Pida Nbagui, le Commissaire d’Etat du Plan, se félicitait-il en ’87 de ce que la situation «a obligé le Conseil Exécutif, la Banque mondiale et le FMI à concilier leurs points de vue dans un document-cadre de politique économique couvrant non pas le court terme, mais une période suffisamment étendue.» (46)
Mais, l’impérialisme intervient aussi directement dans la gestion économique pour mettre en oeuvre la politique générale adoptée et ceci à travers l’assistance technique qui est parachutée dans les ministères et les entreprises publiques. Toutes les réformes, imposées par le FMI, avaient pour but de renforcer le rôle du capital international au Zaïre. La structure de l’industrie au Zaïre n’a guère changé depuis l’indépendance ; il n’y a pas eu d’investissements importants dans des branches nouvelles à part celle du pétrole (11.418.179 barils en 1987) et les entreprises existantes n’ont pas été renouvelées. Le secteur de l’exploitation du cuivre et du cobalt, peu rentable, a été laissé à l’Etat zaïrois mais la Société Générale de Belgique a continué à monopoliser les profits, grâce au raffinage et à la commercialisation.
Le secteur de l’industrie textile (28.000 travailleurs avec les industries connexes) était entièrement sous contrôle étranger. «La direction de toutes les entreprises est entre les mains d’expatriés. » (47) Toute la politique de la Banque mondiale et du FMI tendait à renforcer la confiance du secteur privé, qui est essentiellement étranger : l’autorisation de transférer les dividendes à l’étranger depuis 1984, la révision du Code des investissements, la signature d’un traité d’investissements bilatéral avec les Etats-Unis. «Les mesures de libéralisation prises ces dernières années soulignent la reconnaissance croissante du Gouvernement de l’importance des forces du marché, des signaux des prix et de l’initiative privée. » (48) A une réunion du Groupe Consultatif sur le Zaïre, Sambwa Pida Nbagui a apporté «la confirmation d’une option irrévocable pour la libéralisation de l’économie en vue d’attirer les capitaux privés internes et externes.» Il y a annoncé la privatisation de certaines entreprises publiques et la transformation de certaines dettes en prises de participation dans les sociétés contrôlées par l’Etat zaïrois. (49) En 1989, quatre entreprises publiques ont été liquidées (Somido, Somika, Codaik et Sotexo).(50)
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c.1. Les dettes : l’emprise des banques internationales
Le mobutisme ne s’est pas seulement contenté de ruiner le pays. Il a laissé au peuple un fardeau financier écrasant : l’endettement extérieur du Congo est lourd. En effet, à la fin décembre 1998, le stock global de la dette extérieure du Congo était fixé à 12.838,2cmillions de dollars dont 9.038,35 millions d’encours, 2.568,99 millions d’arriérés en intérêts contractuels et 1.230,85 millions d’intérêts de retard. Rapporté aux exportations et au PIB, ce stock représentait respectivement 824,1% et 293%.
Cette situation est le résultat d’une évolution. En effet, au 31 décembre 1983, la dette extérieure se chiffrait à 4,610 milliards de dollars. Près de la moitié — 2,075 milliards (ou 45,0 %) — était constituée d’anciennes dettes rééchelonnées ou d’intérêts non payés et capitalisés. (51) Au 30 juin 84, ces intérêts capitalisés seuls constituaient 17,2 % de la dette ou 0,758 milliard de dollars. (52) D’après Sambwa Pida Nbagui, la dette extérieure en cours atteignait 6,30 milliards de dollars au 31 décembre 86. (53) Le Zaïre devait débourser sur une période de 5 ans, de 1979 à 1983, un montant de 1,707 milliard de dollars pour les intérêts et 1,871 milliard pour le remboursement du principal. Au cours de cette même période, le Zaïre a reçu 1,183 milliard d’emprunts nouveaux. La perte de capitaux aurait été de 2,268 milliards sans les rééchelonnements d’usage…
Aussi, au cours de ces cinq années, on a dû rééchelonner des dettes pour un montant de 3,120 milliards de dollars… (54) Sur 60 % de ces dettes rééchelonnées, les taux d’intérêt à payer dépassaient les 10 %. (55) Fin décembre 1987, la dette a atteint 6,9 milliards de dollars.(56) Dans ses prévisions faites en 1985, la Banque tablait sur un rééchelonnement de 318 millions de dollars en 87; en réalité on a dû rééchelonner 688 millions sur un total de 790 millions dus pour l’année ! (57)
A mesure que le temps passait, de rééchelonnement en nouveau rééchelonnement, la dette continue de gonfler automatiquement. En 1983, le service de la dette atteignait 35 % des revenus de l’exportation des biens et services; en 1985, le pourcentage était passé à 46 %. (58) En 1980, le service de la dette extérieure mangeait 22,4 % des dépenses inscrites au budget de l’Etat. On arrivait à 42,0 % en 84 et à 55,1 % en 85, année au cours de laquelle l’ensemble des dettes extérieures et intérieures ont accaparé 73,0 % des dépenses budgétaires.
Sans rééchelonnement, le service de la dette de 1985 aurait dépassé tous les revenus budgétaires de l’Etat zaïrois ! (59) En 86, le service de la dette extérieure constituait 51,3 % des dépenses budgétaires ou 62,0 % des recettes publiques. (60) Pendant la période du plan quinquennal 1986-1990, le Zaïre doit payer 1,880 milliard de dollars d’intérêts et 3,219 milliards de remboursements, au total 5,099 milliards… (61)
Un chiffre illustre bien la façon inexorable dont le pays tombe, par un automatisme créé par l’ampleur même de sa dette, dans une dépendance de plus en plus meurtrière vis-à-vis du capital bancaire international. «60 % du service dû en 1990 est attribuable au seul rééchelonnement de 1983.» (62) Pour l’année 1989, les chiffres officiels du montant de la dette extérieure varient de 6,09 milliards de dollars à 7,7 milliards ! Pour les années 1987, 1988 et 1989, le service de la dette en pourcentage des exportations de biens et de services est respectivement de 58,6 %, 53,0 % et 57,7 %.(63) Le Zaïre n’arrivait plus à payer les intérêts et à rembourser le principal : les arriérés montent en 1988 à 842 millions de dollars (64).
Payer les dettes, c’est rendre impossible tout développement économique autonome. Accepter le protectorat impérialiste, c’est voir le pays spolié, par le mécanisme du service de la dette, de ses maigres capitaux qui pourraient assurer un début de développement industriel national. Et un des soucis majeurs de tous les plans de sauvetage est précisément d’assurer le paiement des dettes extérieures.
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c.2. La dégradation des termes de l’échange
La haute finance internationale maintient le tiers monde, depuis son indépendance, dans le rôle de fournisseur de matières premières dont les prix sont fixés à un niveau excessivement bas par les interventions du capital international sur les marchés mondiaux. Voici les revenus essentiels que le Zaïre tire de ses produits d’exportation :
Année 1983, chiffres en millions de dollars
Cuivre 781,2
Pétrole brut 236,5
Diamant 138,9
Cobalt 121,4
Café 116,5
Ces cinq postes constituent 91,5 % des exportations. Le cuivre seul représente 51,2 %. (65) Dans l’ensemble, les prix des produits d’exportation connaissent une baisse constante depuis 1973.
Les termes de l’échange des produits exportés et importés au Zaïre ont varié de la façon suivante : (66)
1980 100
1981 84,2
1982 72,7
1983 69,0
1984 78,7
Les termes de l’échange auraient connu une légère amélioration en 85, mais Sambwa Pida Nbagui, le commissaire d’Etat au Plan, déclara le 21 mai ’87 à Paris : «Le Zaïre a enregistré une dégradation des termes de l’échange de 24 % en 1986». Ainsi le Zaïre a enregistré en 1986 une moins-value de ses recettes d’exportation estimée à 400 millions de dollars, une somme égale à la moitié des recettes de l’Etat. (67) Restés bas en 1987, les termes de l’échange ont remonté en 1988 et 1989 pour atteindre le niveau de 1984, c’est-à-dire 80 % de l’index 1980.(68)
Le FMI avance de temps en temps quelques constats plaintifs sur «l’environnement international défavorable» du Zaïre. La dégradation des termes de l’échange exprime clairement la domination impérialiste sur l’économie du tiers monde. Le renversement de cette évolution n’est réalisable qu’en organisant la solidarité des pays du tiers monde sur une base anti-impérialiste sans équivoque. Au plan national, il exige un effort de développement industriel autonome qui s’appuie sur une mobilisation des facteurs nationaux : une transformation des matières premières au Zaïre et une diversification de l’industrie.
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c.3. L’industrialisation de la prédation
Après le coup d’Etat du 24 novembre 1965, et surtout depuis la création du MPR, le 20 mai 1967, la grande bourgeoisie mobutiste a connu une décennie d’ordre et de stabilité, interrompue seulement par quelques luttes importantes mais locales et de courte durée, comme la révolte des étudiants de Lovanium et le massacre de cent étudiants en suivit, le 4 juin 1969. Profitant d’une conjoncture internationale favorable et de prix du cuivre assez élevés, la grande bourgeoisie avait de l’argent à distribuer. Et comme l’Occident avait des pétrodollars à recycler, les multinationales se pressaient à Kinshasa avec des projets gigantesques, futuristes et dispendieux.
Entre 1965 et 1977, tous les grands projets, sources de profits fabuleux pour leurs promoteurs, monuments surréalistes et mal adaptés au développement du pays, passaient par la Présidence et le Bureau de la Présidence. «On a eu à faire à un fournisseur d’équipement dont l’intérêt est de vendre au plus haut prix sa marchandise (l’usine clé en main) avec le maximum de garantie de paiement »(69), nous dit Jean-Claude Willame avant d’ajouter plus loin que «Bureaux d’études et consultants ont servi à légitimer des opérations commerciales pour le compte de ce qui était souvent leur société-mère et ont été utilisés pour démontrer ce qu’il fallait démontrer. »(70) Le professeur Marijsse signale que ces «grands bureaux savaient à l’avance que ces projets n’étaient pas rentables. »(71).
La Banque Mondiale l’avait déjà confirmé bien avant. Elle note en 1982 : «Entre 1972 et 1974, le Zaïre a contracté de lourds emprunts extérieurs, dont un grand nombre à des conditions peu favorables et pour des projets d’un intérêt douteux. (…) Plus de la moitié de la dette zaïroise en cours résulte des décisions en matière d’emprunt prises pendant cette période.» (72)
Voyons en quelques lignes ces tombeaux industriels qui ont renforcé le sous-développement. Le 22 décembre 1965 déjà, juste après son arrivée au pouvoir, Mobutu lançait le projet de la sidérurgie de Maluku. Dix ans plus tard, on aura dépensé 1,5 milliard de FF… et les portes de Maluku seront fermées. Suivait l’épopée d’Inga. La construction de barrages et de centrales électriques sur le site d’Inga demanda 1,3 milliard de FF pour Inga I, lancé en 1971 ; Inga II aura coûté 4 milliards de FF en 1983 et, à la même date, la ligne de haute tension Inga-Shaba a exigé une dépense de 7 milliards de FF. La ligne fonctionnait à 10 % de sa capacité.
D’autres projets énormes, tout aussi démesurés et sous-utilisés, seront réalisés, comme la Voix du Zaïre. Plus de la moitié de la dette zaïroise provient de ces folies, les projets liés à Inga comptant à eux seuls pour 26 %.
Les multinationales européennes ont encaissé l’argent, Mobutu et son entourage ont volé de l’argent à pleines mains. Le peuple paye à longueur d’années le principal et les intérêts qui, de rééchelonnement en rééchelonnement, ne font que gonfler…(73) Mais toute l’industrie du Shaba ne pourra, à terme, absorber que 20 % de la production d’électricité d’Inga… Au même moment, 98 % de la population zaïroise reste privée d’électricité ! (74)
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c.4. Une gestion qui amplifie la gabegie
La communauté internationale pointent un doigt accusateur vers l’incapacité gestionnaire des hauts fonctionnaires et responsables économiques du Zaïre. Cela n’est que la partie émergée de l’iciberg.
Seulement, d’où vient cette incapacité ?
La classe des grands bourgeois liés à l’appareil de l’Etat et au capital étranger, est sortie du néant en une seule nuit. Quelques mois après l’indépendance, après l’écrasement des lumumbistes, le néo-colonialisme a hissé au sommet de la hiérarchie sociale, des petits commis noirs, sergents, capitaines, là où trônaient dans un passé fort proche, les grands chefs blancs. Ces gens se sont enrichis en un rien de temps, grâce au pillage des caisses de l’Etat, aux détournements, à la corruption et à la fraude. Comment se tromper sur l’origine de cette incapacité gestionnaire des Zaïrois, dans un pays dont le président-fondateur dispose d’une fortune de 5 milliards de dollars planquée à l’étranger ? (75)
Les problèmes de gestion sont déterminés par la nature de classe du système économique. Le système zaïrois était complètement dominé par le capital international et dirigé politiquement par une classe corrompue. Qu’est-ce qu’on devait gérer ? Et dans l’intérêt de qui ? La Banque mondiale notait en 1985 : «A l’exception de la gestion de la dette extérieure, qui s’est améliorée à travers les années, la planification et le contrôle financier restent en général faibles.» (76) Qu’est-ce qu’on gèrait ? Grâce à «l’assistance technique» du FMI et de la Banque mondiale, le Zaïre en est donc arrivé à bien gérer ses dettes, à bien gérer le drainage des richesses du pays vers les coffres-forts des créanciers étrangers.
En 1982, la Banque mondiale écrivait qu’il était difficile d’imaginer une baisse plus importante dans le revenu par habitant. Difficile à imaginer? Huit années plus tard, cette baisse plus poussée des revenus était facile à constater : la malnutrition, la famine, les maladies, le chômage, l’analphabétisme… gagnaient chaque année en ampleur. Bien gérer les dettes et les avoirs du capital étranger, revient donc à rendre impossible la bonne gestion des forces productives des paysans, artisans, petits commerçants. Bien gérer le Zaïre dans l’intérêt de la haute finance internationale vorace, ne peut se faire qu’en foulant aux pieds les intérêts des masses populaires.
La communauté internationale se plaignait à la fin du règne l’obscurantisme mobutiste que tout échappait à l’impôt, que le commerce illicite était en pleine floraison, que les dépenses de l’Etat n’étaient pas contrôlées. Mais comment pourrait-il en être autrement puisqu’il s’agit là des moyens classiques avec lesquels les grands bourgeois bureaucratiques du Zaïre faisaient leur beurre? Le dialogue qui se déroulait pendant une bonne dizaine d’années «dans un climat de parfaite compréhension mutuelle» entre le FMI, la Banque mondiale et les autorités zaïroises, avait quelque chose de surréaliste.
La grande bourgeoisie bureaucratique zaïroise dépendait complètement de l’impérialisme et le capital financier international avait besoin de l’appui de la classe dirigeante zaïroise pour appliquer ses remèdes : d’où leur parfaite compréhension… Seulement, l’objectif du FMI-Banque mondiale est d’imposer les règles d’un clean capitalism de facture libérale, pour s’assurer le paiement des dettes et pour créer des conditions profitables à l’investissement étranger. L’objectif de la bourgeoisie bureaucratique mobutiste était de protéger les sources traditionnelles de son enrichissement : la fraude, les détournements de fonds publics, la spéculation, la corruption, le vol, etc. De par ses intérêts propres, la grande bourgeoisie mobutuste ne pouvait pas mettre en application loyalement les recommandations, plans, décisions auxquels elle souscrit sous injonction du FMI.
Chaque Plan imposé par les financiers étrangers comportait sa cargaison de mesures de rigueur, de contrôle, de vérification, etc. Mais deux, trois ans plus tard, les résultats concrets dénotaient toujours les mêmes tendances : le commerce illicite continuait à faire rage, «21 % de toutes les importations dédouanées, le sont en franchise», «l’allocation des devises se fait de façon arbitraire et partisane» et sert en partie à des opérations spéculatives, les recettes de l’Etat sont systématiquement surestimées, les dépenses sous-estimées, «la majeure partie des revenus provenant du commerce en gros (…) et des revenus locatifs échappent à l’impôt», etc. (77) Si la Banque mondiale peut féliciter les grands bourgeois bureaucratiques des «mesures de libéralisation» qu’elle a arrêtées, elle se voit obligée de constater à la même page l’ «application arbitraire de taxes et de règlements dans un environnement manifestement plus corrompu.» (78)
Carences de gestion ? La plupart des observateurs de la réalité zaïroise sous le mobutisme étaient d’accord sur les deux points suivants. D’abord, dans la masse zaïroise, on trouvait d’innombrables génies de la gestion du secteur informel… Les Zaïrois étaient devenus des génies de la débrouillardise. Redevenus Congolais, ils font toujours preuve de beaucoup de talent pour assurer la survie de leur famille dans des situations catastrophiques.
Ensuite, le Zaïre-Congo compte un grand nombre d’intellectuels très bien formés qui ont été plongé par le mobutisme triomphant dans des situations où leurs talents ne peuvent pas être mis à profit: mal affectés par des bureaucrates du M.P.R., clochardisés, sous payés, travaillant dans un environnement qui rend impossible l’obtention de résultats… Mais il faudra le renversement de la domination de l’impérialisme pour que les talents «gestionnaires» des masses populaires et des intellectuels puissent être mis pleinement en valeur au service d’un développement national et populaire.
Aujourd’hui le constat suivant s’impose: plus de trente ans de domination impérialiste absolue et presque sans opposition organisée, trente ans du mobutisme triomphant au service de ces intérêts étrangers, ont complètement ruiné le peuple congolais. Ce système a fait directement et indirectement de millions et de millions de morts.
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Notes
(1) Nécessité d’un ajustement structurel, Rapport d’Activité à l’intention du Groupe Consultatif pour le Zaïre (Paris, 21 -22 avril 1986), Banque mondiale, p. 17.
(2) Zaïre Economie Mémorandum; Economie Change and External Assistance. Report no. 5417-ZR, March 29, 1985, World Bank, p. 56.
(3) Amnesty International : Rapport sur les violations des droits de l’homme au Zaïre, p. 13, 1980
(4) Zaïre Mémorandum économique, Rapport no. 4077-ZR, 30 décembre 1982, Banque mondiale ; Volume II, p. 39
(5) Zaire Staff report for the 1989 article IV consultation, IMF, 1 nov 1989, p.8
(6) Zaïre Economie Mémorandum ; Economie Change and External Assistance. Report no. 5417-ZR, March 29, 1985, World Bank, p. 276
(7) Nécessité d’un ajustement… p. 20
(8) Zaïre Economie Mémorandum… R. no. 5417-ZR, p. 278.
(9) Nécessité d’un ajustement… p. 21.
(10) Discours d’ouverture du Citoyen Sambwa à la Réunion du Groupe Consultatif sur le Zaïre, Paris, 21-22 mai 1987, p. 23
(11) Zaïre Economie Mémorandum… R. no. 5417-ZR, p. 211.
(12) Status Report for Zaire, 31 august 1989, Attachment II
(13) Zaïre Economie Mémorandum… R. no. 5417-ZR, p. 216
(14) Status Report… p. 2
(15) Ibidem, Table 1
(16) Zaïre Mémorandum… R. no. 4077-ZR, p. 49.
(17) Zaïre Economie Mémorandum, R. no. 5417-ZR, p. 40
(18) Conjoncture économique, Département de l’économie, 1988, p. 106-107
(19) Zaïre : Reviewof the 1987-1990 Public Investment Program, Paris, may 21-22, 1987, World Bank, p. 5.
(20) Nécessité d’un ajustement… p. 18-19.
(21) Zaïre Economie Mémorandum, R. no. 5417-ZR, p. 211
(22) Ibidem, p. 41-42
(23) Ibidem, p. 46
(24) Ibidem, p. 48 et 201
(25) Zaïre Mémorandum, R. no. 4077-ZR, Volume I, p. 21.
(26) FAS-Document cadre de Politique économique 89-91, Banque mondiale, p.5.
(27) R.n° 5417-ZR, vol I, p.21
(28) Ibidem,p.2O3
(29) Ibidem, p. 46
(30) Ibidem, p. 47
(31) Zaïre Mémorandum, R. no. 4077-ZR, Volume I, p. 67
(32) Ibidem, p. 52-53
(33) Zaïre Economie Mémorandum, R. no. 5417-ZR, p. 45.
(34) Zaïre Mémorandum Economique, Rapport no. 4077-ZR, Volume II, 30 décembre 1982, Banque mondiale, p. 107
(35) Ibidem, p. 109
(36) FAS, p.5-6
(37) R.n°54I7-ZR, vol II.p.108
(38) Zaïre Economie Mémorandum, R. no. 5417-ZR, p. 86
(39) Nécessité d’un ajustement… p. 16.
(40) Zaïre Mémorandum, R. no. 4077-ZR, Volume II, p. 94.
(41) Ibidem, p. 106
(42) Zaire, Staff report for the Article IV Consultation, I nov 89, appendix V, p.49
(43) Zaïre Economie Mémorandum, R. no. 5417-ZR, p.164-167
(44) Zaïre Mémorandum, R. no. 4077-ZR, Volume I, Introduction p. 11
(45) Nécessité d’un ajustement… p. 43
(46) Discours d’ouverture…, Paris 21 mai 1987, p. 13
(47) Ibidem, Volume II, p. 121 et 123
(48) Zaïre économie mémorandum, R. no. 5417-ZR, p. 54 et 53
(49) Discours d’ouverture Réunion du groupe consultatif sur le Zaïre, Paris, 21 mai 1987, P; 18 et 22
(50) IMF, Staff report, 1 nov 89, appendix 1
(51) Zaïre économie mémorandum, R. no. 5417-ZR, p. 229
(52) Ibidem, p. 236.
(53) Discours d’ouverture…, 21 mai 1987, p. 11
(54) Zaïre économie mémorandum, R. no. 5417-ZR, p. 219-220
(55) Ibidem, p. 69.
(56) Echo de la Bourse 11 mars 1988
(57) Mémorandum de Conseil Exécutif sur l’exécution du Programme d’Ajustement Economique et Financier au Zaïre – février 1988.
(58) R.n°5417-ZR, p.4 et 83
(59) Nécessité d’un ajustement structurel, Rapport d’Activité pour le Groupe consultatif, Paris 21-22 avril 86, B.M., p.11
(60) Discours d’ouverture, p.8-9
(61) Nécessité d’un ajustement, Attachment III : Projected Balance of Payments Gaps
(62) Zaïre économie mémorandum, R. no. 5417-ZR, p. 83
(63) FMI, 1 nov 89 appendix V
(64) Status report, p. 3
(65) R.n° 5417-ZR, p. 221
(66) Nécessité d’un ajustement…, Attachment II, Zaïre External Trade
(67) Discours d’ouverture…, 21 mai 1987, p. 11
(68) FMI, 1 nov 89, p. 8a
(69) Jean-Claude Willame : Zaïre : l’épopée d’Inga, chronique d’une prédation industrielle, p. 111
(70) Jean-Claude Willame : Zaïre : l’épopée d’Inga, chronique d’une prédation industrielle, p. 213
(71) De Standaard, 19 janvier 1999
(72) Zaïre Economie Mémorandum, R. no. 5417-ZR, p. 203
(73) Zaïre Mémorandum économique, World Bank, Rapport, no. 4077-ZR, 30 déc 82, Volume I, Introduction p. 11
(74) Rapport n°4077-ZR, vol I, p. 51.
(75) Wall Street Journal, april 11 – 1986
(76) Zaïre économie mémorandum, R. no. 5417-ZR, p. 50
(77) Zaïre mémorandum économique, R. no. 4077-ZR, p. 32, 34, 39
(78) Zaïre économie mémorandum, R. no. 5417-ZR, p. 93