1. Toute cette production, et pourtant la pauvreté existe

«La richesse des sociétés dans lesquelles règne le mode de production capitaliste s’annonce comme une immense accumulation de marchandises.»
Telle est la phrase d’introduction du Capital de Karl Marx. Le rapport des Nations unies pour l’année 2001 évalue cette richesse: cette année-là, en tout, nous avons produit pour 45.000 milliards de dollars. Si l’on répartissait cette richesse de façon équitable, une famille avec trois enfants, qu’elle habite en Afrique ou aux Etats-Unis, pourrait disposer d’un revenu mensuel d’au moins 2.260 euros ou 91.000 anciens francs belges.
Ce montant permet de se loger décemment avec tout le confort nécessaire: téléphone, télévision, machine à laver, frigo, etc. Avec ce budget, chaque citoyen du monde peut largement se pourvoir de nourriture, de médicaments et de vêtements. Une visite chez le médecin ou le dentiste ne pose aucun problème. Bref, les gens produisent aujourd’hui, à l’échelle mondiale, largement de quoi satisfaire les besoins de chacun. Et pourtant, on est loin du compte. Pratiquement la moitié des humains ne disposent pas d’équipements sanitaires. Un sur trois n’a pas d’électricité, un sur cinq pas d’eau potable.
Si la répartition était équitable, chaque citoyen de la terre disposerait de 14 dollars par jour. Mais ils sont 2,8 milliards à se contenter de 2 dollars ou moins. Et 1,1 milliard à devoir couper moins d’un dollar en quatre pour s’en sortir. Les1% les plus riches gagnent autant que 57% de la population mondiale.
Ce fossé est valable non seulement entre les pays mais également entre les gens d’un même pays. En Belgique, par exemple, les 10% les plus riches gagnent 8 fois le revenu des 10% les plus pauvres. Aux Etats-Unis, le rapport est de 17, au Chili 43, au Brésil 66, en Namibie 129. Le rapport juge «grotesque» cette inégalité des revenus.
Plus de pauvres aussi dans les pays occidentaux
Chaque jour, 30.000 enfants meurent de faim et de manque de soins. Le nombre d’enfants morts de la diarrhée durant les années 90 a dépassé le total des victimes de tous les conflits armés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Chaque année, plus de dix millions de personnes meurent de faim, de tuberculose et d’autres maladies aisément guérissables. Chaque année, plus d’un demi-million de femmes meurent en couches. «Ces données statistiques sont scandaleuses parce qu’un grand nombre de ces morts sont évitables», indique le rapport.
Les défenseurs du capitalisme mondial ne peuvent faire autrement que de reconnaître ces chiffres. Ils disent: « la situation est mauvaise, en effet, mais nous progressons ». Le rapport fait du petit bois de ces allégations. Aujourd’hui, 54 pays sont plus pauvres qu’il y a dix ans. Cela équivaut à un huitième de la population mondiale.
Le nombre de gens vivant dans une extrême pauvreté a augmenté en Amérique latine, dans les anciens pays du bloc de l’Est et en Afrique subsaharienne. Au cours de la décennie écoulée, le nombre total de pauvres des pays capitalistes s’est accru de 60 millions et, s’il faut en croire les auteurs, il s’agit d’une estimation très basse. En Afrique, en 1990, la mortalité infantile était 19 fois plus importante que dans les pays riches. Aujourd’hui, 26 fois.

2. Eliminer la faim ne coûterait pas plus qu’un mois d’occupation de l’Irak

«L’accumulation de richesse à un pôle, équivaut à l’accumulation de pauvreté, de souffrance, d’ignorance, d’abrutissement, de dégradation morale, d’esclavage, au pôle opposé», écrivait Marx il y a 140 ans dans Le Capital. Le rapport l’illustre sur deux points essentiels: la nourriture et la santé.

Considéré globalement, il y a un surplus annuel de nourriture pour environ 600 millions de personnes. Pourtant, plus de 800 millions d’humains souffrent de la faim. En Afrique subsaharienne, ils sont un sur trois, en Asie du Sud, un sur quatre. Rien qu’en Inde, ils sont 200 millions. Pourtant, le problème de la faim serait assez facile à résoudre. Sur base annuelle, il n’en coûterait que 5,2 milliards de dollars, soit un peu plus que le coût d’un mois d’occupation américaine en Irak.
Ces trente dernières années, l’aide au développement allant à l’agriculture a diminué, passant de 3,6 milliards à 1,4 milliard de dollars. Entre-temps, les pays riches dépensent plus de 200 fois ce montant pour subsidier leur agriculture: 311 milliards de dollars. Pour chaque vache d’Europe, l’Union européenne lâche 913 dollars de subsides, soit environ le double de ce qu’un Africain gagne en un an.
Malgré toutes les belles promesses, nous ne devons guère nous attendre à beaucoup d’amélioration directe. Un exemple: la CGIAR. Cette institution internationale, liée à plus de 20 pays et à des organisations de l’Onu, enquête sur la façon dont il serait possible d’améliorer la production de plantes dans le tiers monde. Avec difficulté, elle a collecté 337 millions de dollars de fonds. Alors que la multinationale alimentaire Monsanto dépense à elle seule 600 millions de dollars pour son budget recherches.

Trop pauvres pour les fabricants de pilules
Sur le plan de la santé, la situation est au moins tout aussi hallucinante. Quelque 35 milliards de dollars suffiraient à empêcher que, cahque année, huit millions d’humains meurent de maladies très courantes et faciles à soigner. C’est moins que les 40 milliards que les Etats-Unis ont dépensé pour faire la guerre contre l’Irak, en mars et avril.
Le problèmes de santé de l’écrasante majorité de la population mondiale (5,5 milliards) sont liés à des maladies comme la malaria, la tuberculose, la diarrhée. Les recherches en vue de les combattre ne représentent que 10% du budget total de la recherche médicale. Les 90% qui restent sont orientés sur des maladies typiquement occidentales.
Les pays en voie de développement n’utilisent que 2% des médicaments produits dans le monde. Ces milliards d’habitants n’ont pas assez de pouvoir d’achat pour que les géants pharmaceutiques s’intéressent à eux.

3. De très bons points pour les pays socialistes

Les chiffres du rapport de l’Onu sont on ne peut plus clairs: les pays socialistes font de bien meilleurs résultats que les pays capitalistes en matière de développement humain.
Le rapport fait la comparaison entre la Chine socialiste et l’Inde capitaliste. Au moment de la révolution chinoise, en 1949, le niveau de développement de ces deux pays était sensiblement pareil. Un demi-siècle plus tard, les chiffres montrent que, sur les plans économique et social, la Chine fait nettement mieux que l’Inde.
Depuis 1990, le nombre de pauvres en Chine a diminué de 150 millions. Les formes les plus graves de pauvreté ont été éradiquées alors que les conditions de vie de centaines de millions d’Indiens restent misérables. En Inde, plus de 200 millions de personnes souffrent de la faim et presque 400 millions doivent s’en sortir avec moins d’un dollar par jour. Si l’Inde proposait les mêmes soins de santé que la Chine, chaque année, 1,5 million d’enfants pourraient être sauvés. Par tête d’habitant, la Chine dépense trois fois plus que l’Inde en soins de santé. Le Vietnam socialiste atteint à peu près les mêmes scores que la Chine.

Cuba: le nombre de médecins le plus élevé du monde
Cuba, un autre pays socialiste, se voit également décerner des mentions très bien par le rapport de l’Onu. Il constate que la base économique de l’île ne représente qu’une fraction de celle des Etats-Unis. Pourtant, les indicateurs sociaux y sont presque les mêmes.
Le pays a un médecin pour 170 habitants. C’est le meilleur score au monde. En Belgique, nous avons un pour 253 habitants. En Amérique latine, un pour 613 habitants. Malgré le boycott économique très lourd de la part des Etats-Unis et l’attitude hostile de l’UE, la croissance économique moyenne annuelle de ces dix dernières années a été de 3,7% contre 1,5 seulement pour l’Amérique latine.
Cuba dépense environ deux fois plus en enseignement et en soins de santé par habitant que les autres pays de l’Amérique latine. Dans ces pays, les 10% les plus riches possèdent 46 fois autant que les 10% les plus pauvres. A Cuba, même pas 5 fois. Un quart des Latino-Américains doivent s’en tirer avec moins de 2 dollars par jour. A Cuba, cette tranche n’atteint même pas 2% de la population.

L’espérance de vie des Russes va baisser de 16 ans
En 1989-91, l’URSS et les pays d’Europe de l’Est sont repassés au capitalisme. Dans les pays de l’ancienne Union soviétique, le pouvoir d’achat a baissé d’un cinquième et la situation sociale s’est dramatiquement détériorée. A la fin des années 90, la situation est pire, en fait, que celle de l’Amérique latine. «La pauvreté a plus que triplé et touche aujourd’hui presque 100 millions de personnes, soit 25% environ de la population de la région», relève le rapport.
Seule la Pologne a progressé économiquement, mais le nombre de pauvres y a également augmenté, passant de 6 à 20% de la population. Aujourd’hui, environ un dixième de la population polonaise est sous-alimentée.
La situation en Russie est catastrophique: le produit national brut est aujourd’hui plus bas que celui des Pays-Bas. Et en 2025, on s’attend à ce que l’espérance de vie baisse de 16 ans, alors qu’au cours des dix dernières années, elle a déjà baissé de plus de 5 ans.
Les rapporteurs de l’Onu font remarquer que cette sévère régression a commencé à partir des années 90. «On n’avait pas vu cela au cours de la décennie précédente», précisent-ils.

Chine contre Inde
Chine Inde
Espérance de vie 71 64
Mortalité infantile en dessous de 5 an 40 par mille 96 par mille
Analphabétisme 16% 35%
Accès aux médicaments essentiels 80-94% 0-49%
Personnes avec moins de 1 $ par jour 16% 35%
Croissance économique annuelle années 90 8% 4,4%

En 1950, la Chine socialiste et l’Inde mi-capitaliste, mi-coloniale, avaient environ le même niveau de développement. Aujourd’hui, le Chinois peut espérer vivre 71 ans, l’Indien 64. Et il meurt deux fois plus d’enfants de moins de cinq ans en Inde qu’en Chine.

4. Des faits et des chiffres à retenir

  • Un humain sur trois n’a pas d’électricité.
  • Un humain sur cinq n’a pas d’eau potable.
  • 2,8 milliards d’humains n’ont que 2 dollars par jour pour survivre.
  • 1,1 milliard d’humains doivent tirer leur plan avec moins d’un dollar par jour.
  • Le pour-cent des humains les plus riches possèdent autant que 57% de la population mondiale.
  • Environ 30.000 enfants meurent chaque jour de faim et du manque de soins.
  • 54 pays sont plus pauvres qu’il y a dix ans.
  • Résoudre le problème de la faim coûterait 5,2 milliards de dollars par an, un peu plus que le coût d’un mois d’occupation américaine en Irak.
  • Eradiquer les maladies les plus fréquentes du tiers monde coûterait 35 milliards de dollars, soit pas plus que la guerre en mars et avril en Irak.
  • Les formes les plus graves de pauvreté ont été éradiquées en Chine mais, en Inde, plus de 200 millions d’habitants souffrent de la faim.
  • Chaque année, avec les mêmes soins de santé qu’en Chine, on pourrait sauver en Inde un million et demi d’enfants.
  • Cuba compte le plus grand nombre de médecins par habitant au monde.
  • La croissance économique annuelle de Cuba a été en moyenne de 3,7% ces dix dernières années. En Amérique latine, elle n’a été que de 1,5%.
  • L’espérance de vie en Russie risque de baisser de 16%.
  • 10% des Polonais sont sous-alimentés.